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FEPEM Emploi à Domicile

Étude

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Décembre 2019

Accompagner les handicaps à domicile. Quelles réponses aux besoins spécifiques des enfants et aux attentes des familles ?

Abdia Touahria-Gaillard
Sous la direction scientifique d’Isabelle Puech

Synthèse

Contexte et objectifs de l’étude

L’objectif de cette recherche est de produire une meilleure connaissance de l’adéquation de l’offre d’accompagnement à domicile du handicap aux besoins des familles. Ce travail porte sur les motifs du recours à l’accompagnement à domicile d’enfants en situation de handicap par les parents eux-mêmes ou par une garde d’enfants rémunérée. Il s’intéresse aux incidences familiales et organisationnelles de l’accompagnement de l’enfant et aux réponses formulées par les familles pour y faire face.

Méthodologie

La recherche repose sur une enquête par entretiens semi-directifs en face-à-face conduite auprès de douze professionnels appartenant à six structures (organismes administratifs ou associations) et onze parents d’enfants en situation de handicap (deux pères et neuf mères) dans trois régions : Occitanie, Normandie et Île-de-France.

Principaux résultats

L’accompagnement du handicap d’un enfant engendre chez les familles des coûts invisibles pour la solidarité nationale. Au-delà des aspects financiers, les difficultés psycho-sociales supportées par les parents ont des conséquences qui dépassent largement le cercle familial. Les différences de traitement administratif observées sur les territoires lors de l’enquête interrogent la justice sociale. Il apparaît que sans véritable réponse politique offrant aux parents la possibilité de choisir les modes d’accompagnement de leur enfant, la survenue du handicap est susceptible d’amplifier les inégalités sociales dans la mesure où un accompagnement inadapté voire inexistant accroît les difficultés sanitaires et psychologiques de la famille en laissant en suspens des difficultés qui s’aggravent avec le temps. De plus, la sortie du marché du travail des mères creuse les inégalités entre hommes et femmes en assignant ces dernières aux missions domestiques et d’éducation des enfants et en les privant de l’insertion sociale et des droits sociaux qu’octroie l’emploi.

Dans ce contexte, la garde à domicile permet aux familles rencontrées d’atténuer, voire de résoudre les difficultés que peuvent engendrer les besoins spécifiques de l’enfant, en leur offrant les possibilités/facilités suivantes :

  • Une reprise en main de leurs choix parentaux ;
  • Le maintien d’une activité professionnelle et l’assurance d’une insertion sociale ;
  • Une meilleure articulation de leurs temps professionnels et personnels ;
  • Le respect de la fratrie et de l’équilibre conjugal ;
  • Un mandat d’éducation confié à une personne choisie ;
  • La création d’un lien personnalisé et durable entre l’enfant et la garde à domicile ;
  • Une flexibilité qui respecte les rythmes de l’enfant et permet d’articuler suivis médicaux, paramédicaux et vie sociale.

Introduction

Les parents d’un enfant, qu’il soit dit « valide » ou en situation de handicap, sont les détenteurs de l’autorité parentale et, à ce titre, sont libres, dans la limite de l’intérêt supérieur de l’enfant, de proposer à ce dernier les conditions de socialisation qu’ils jugent les plus opportunes. Scolarisation dispensée à domicile, en milieu dit ordinaire, en institution, durée et nature des activités périscolaires : la palette de possibilités pour les familles est étendue si tant est que leurs conditions d’accès soient réunies. Mais qu’en est-il réellement dans le cas d’un enfant en situation de handicap ?

La loi de 20051Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. offre, en théorie, de nouvelles perspectives car elle dispose que « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. » Le principe du maintien dans le milieu ordinaire, déjà présent dans la loi de 19752Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées., est réaffirmé : « L’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle garantit l’accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées. » (article L. 114-2 du Code de l’action sociale et des familles (CASF)).

Bien que l’État soit « garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire » (article L. 114-1 du CASF), on note qu’aujourd’hui en France, l’accompagnement des enfants dont les besoins sont spécifiques reste parfois insatisfaisant au regard des ambitions politiques mentionnées ci-avant et qui, depuis les lois de 20023Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale et 2005, ont pourtant pour objectif de placer les usagers au cœur des dispositifs et de garantir à tous un accès équitable à toutes les opportunités. De plus, la loi de 2005 rappelle que le handicap est d’abord environnemental et qu’à ce titre il ouvre un droit à la compensation4Article 11 de la loi de 2005 : « Art. L. 114-1-1.du CASF – La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, (…) des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté (…). » et non plus comme auparavant une obligation de normalisation : « Ce droit à compensation s’appuie expressément sur la notion de projet de vie à partir duquel sera élaborée une réponse à la fois globale et personnalisée traduite dans un nouvel outil : le plan personnalisé de compensation (PPC)5ODAS-CNSA, « Handicap et droit à compensation : quelles nouvelles pratiques ? Étude sur les plans personnalisés de compensation », décembre 2007, p.3.. » Il s’agit donc de fournir des réponses individualisées pour répondre de manière adaptée aux situations vécues en produisant « une stratégie globale d’intervention » dans laquelle « la compensation intègre l’ensemble des aides et actions éducatives, thérapeutiques, sociales, médico-sociales qui permettront la participation des personnes » et où « l’accessibilité est entendue comme l’aménagement du cadre de vie (qui) s’entend également comme une démarche plus globale : réflexion sur la géographie des lieux, accès à la communication6CREAI, « État des lieux approfondi des interventions et des dynamiques d’acteurs relatives aux situations de handicaps rares par inter-région en France métropolitaine », 2013, pp.11-12.».

Ce droit à la compensation, parfaitement louable dans son principe, ne reste malheureusement qu’un vœu pieux. Sur nombre de territoires, la réalité diffère du texte de loi. Ce droit est d’autant plus perfectible qu’il interroge à plus d’un titre la justice sociale. D’une maison départementale des personnes handicapées (MDPH) à l’autre, les pratiques sont très variables et ce, sans aucune justification7Fiacre, Patricia, Peintre, Carole, Bouquet-Ysos, Clotilde, « Enquête sur les enfants dits « sans solution » à domicile », synthèse régionale, Cedias, CREAHI IDF, juillet 2012, p. 31. alors que la loi de 2005 rappelle que l’État garantit l’égalité de traitement des personnes en situation de handicap. Par ailleurs, l’obligation des pouvoirs publics est d’offrir à tous un accès équitable à toutes les opportunités : mais les familles sont-elles réellement en mesure de proposer à leur enfant un mode d’accompagnement quotidien et des activités périscolaires qui ne soient pas tributaires des possibilités du territoire, des conditions de solvabilisation de l’accompagnement, voire de leurs propres restrictions budgétaires ?

Aujourd’hui en France, le législateur promeut le milieu familial comme étant le plus adapté à l’éducation et l’épanouissement de l’enfant. En matière d’assistance éducative8L’assistance éducative concerne les mesures de protection de l’enfance judiciarisées., l’article 375-2 du Code civil dispose que « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel (…) ». Le milieu dit naturel, à savoir son environnement familial, est donc réputé être le meilleur pour l’enfant. Les recommandations européennes9Cf. recommandation CM/Rec (2010)2 du 3 février 2010 du comité des ministres du Conseil de l’Europe : https://www.coe.int/fr/web/disability/adopted-texts consulté le 19 juillet 2017. vont également dans le même sens en approuvant la désinstitutionnalisation des enfants en situation de handicap. Et effectivement, depuis plusieurs années, le champ du handicap procède à une « sortie des institutions » et tend à favoriser l’accompagnement au domicile des personnes. À partir de 1975, date de la loi en faveur des personnes handicapées, le maintien dans un cadre ordinaire de vie est devenu une priorité. Progressivement, les moyens financiers et techniques octroyés pour procéder à cet accompagnement10Prestation de compensation du handicap, allocation adulte handicapé, etc. et le manque de places en institutions ont, de facto, permis une grande diffusion de l’accompagnement au domicile.

Or, il apparaît que la prévalence de l’institutionnalisation est très inégale selon le milieu social : on observe qu’une entrée en institution est plus fréquente pour les enfants de milieux populaires. Et lorsque des enfants de cadres y sont admis, leurs atteintes sont plus sévères et leurs pathologies sont plus complexes à prendre en charge. « Il y aurait donc une « inégale gestion des enfants déficients » dans les divers milieux sociaux »11DREES, document de travail, Handicaps-Incapacités-Dépendance, premiers travaux d’exploitation de l’enquête HID, colloque scientifique, Montpellier, 30 novembre et 1er décembre 2000, coordination Christel Colin et Roselyne Kerjosse, n° 16 – juillet 2001, graphique 8, p. 196., ce que confirme l’enquête Handicaps-Incapacité-Dépendance (HID), dont la première vague a eu lieu en 1998 auprès de personnes vivant en institutions. On observe que le milieu social a une incidence sur la fréquence des déficiences et sur la probabilité de vivre en institution12Mormiche, Pierre, « Le handicap se conjugue au pluriel », INSEE première, n° 742, 2000. : un enfant d’ouvrier a 7 fois plus de probabilités d’entrer dans une institution pour enfants en situation de handicap qu’un enfant de cadre ou profession libérale et « à handicap de gravité équivalente, la proportion d’enfants handicapés entrant en institutions est 3 fois plus élevée chez les ouvriers et employés que chez les cadres et professions intermédiaires13Mormiche, Pierre, op.cit., p. 4. ». Enfin, Pierre Mormiche rappelle que les milieux modestes expérimentent de plus grandes difficultés dans la vie quotidienne.

La répartition des enfants en situation de handicap sur les territoires confirme l’importance du contexte social14Etchegaray, Amélie, Bourgarel, Sophie, Mazurek, Hubert, « Géographie de la population en situation de handicap en France métropolitaine », Laboratoire Population, Environnement et Développement et CREAI PACA et Corse, 2018, p. 11.. Ainsi, la part de jeunes en situation de handicap augmente là où le poids des catégories socio-professionnelles (CSP) ouvrier, employé, agriculteur et indépendant augmente, quand les personnes sans diplôme ou ayant un diplôme de type BEPC sont plus nombreuses qu’en moyenne, ou encore quand les décès prématurés féminins liés à l’alcool sont élevés. Au contraire, dans les territoires où les CSP cadres et professions intermédiaires sont surreprésentées, ou encore dans le 1er quartile de revenu fiscal, la proportion d’enfants en situation de handicap est relativement faible.

Ces éléments révèlent que précarité et handicap sont corrélés. Sans nécessairement affirmer que l’un est la cause de l’autre, il faut toutefois noter que les désavantages se cumulent dans certaines situations économiques et sociales. De plus, la faiblesse des taux d’institutionnalisation dans les classes moyenne et supérieure laisse supposer que ces familles mettent en œuvre d’autres dispositifs pour répondre aux besoins de leur enfant.

Aujourd’hui en France, le nombre exact d’enfants en situation de handicap n’est pas connu. Comme le précisent les sénatrices Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, auteures du rapport « Loi handicap : des avancées réelles, une application encore insuffisante », il n’existe pas « d’outil statistique national permettant de chiffrer précisément le nombre d’enfants handicapés scolarisables » et a fortiori il n’en existe pas pour les enfants en âge préscolaire.

Cependant, la reconnaissance administrative du handicap peut être un moyen pour tenter de mesurer cette réalité. En décembre 2014, 225 999 foyers étaient bénéficiaires en France de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) octroyée par la Caisse nationale des allocations familiales. Il faut toutefois manier ces chiffres avec précaution car « si l’enfant est en internat avec prise en charge des frais de séjour, l’AEEH n’est due que pour les périodes pendant lesquelles il rentre chez lui, c’est-à-dire les fins de semaines et les vacances15https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14809 », autrement dit, en cas de prise en charge totale de l’accompagnement, l’AEEH n’est plus perçue et le foyer n’est plus comptabilisé dans les statistiques de la CAF16Depuis le 1er avril 2008, les enfants peuvent percevoir la prestation compensatrice du handicap sous réserve de remplir les conditions d’attribution du complément de l’allocation d’éducation d’enfant handicapé (AEEH)..

La situation de ces familles est donc grandement invisibilisée. Elle reste méconnue et, pour une large part, cette méconnaissance est justifiée par le fait que cet accompagnement, surtout aux âges précoces, relèverait d’un travail parental.

Depuis plusieurs années, les travaux de l’Observatoire des emplois de la famille se sont notamment intéressés à l’organisation de l’aide humaine à domicile des adultes en situation de handicap ou en perte d’autonomie liée à l’âge17Bressé, Sophie, Les particuliers employeurs en situation de handicap : quelles réalités ?, Observatoire des emplois de la famille, FEPEM, novembre 2014 ; Touahria-Gaillard, Abdia, en collaboration avec Bédel, Céline, Expériences vécues de particuliers employeurs en situation de handicap, Observatoire des emplois de la famille, FEPEM, novembre 2015 ; Touahria-Gaillard, Abdia, « Devenir patron en autodidacte ? Les services d’accompagnement aux aides humaines pour les particuliers employeurs en situation de handicap », Vie sociale, n°14/1, 2016 ; Touahria-Gaillard, Abdia, « Des employeurs comme les autres ? Quelles spécificités de management pour les particuliers employeurs en incapacité motrice majeure ? », Vie sociale 2017/1 (n° 17) ; « L’accompagnement du handicap à domicile : enjeux moraux, sociaux et politiques », Journée d’études du 8 février 2016, Conservatoire national des arts et métiers, ouvrage collectif issu de la journée d’études paru aux Presses universitaires de Grenoble.. En la matière, nombreux sont les particuliers employeurs rencontrés à avoir fait part de leur souhait de poursuivre un accompagnement à domicile paramétré en fonction de leurs critères pour répondre à leurs besoins spécifiques. Une autre étude de l’Observatoire s’est intéressée à la professionnalisation de la garde d’enfants à domicile18Bressé, Sophie, avec la participation de Bédel, Céline, Professionnaliser la garde d’enfants à domicile. Répondre aux enjeux d’accueil de demain, Observatoire des emplois de la famille, décembre 2016. et a montré que faire garder son enfant chez soi permettait aux familles de répondre à des enjeux éducatifs et organisationnels majeurs pour elles. Qu’en est-il des enfants en situation de handicap et de leurs familles ? Dans quelle mesure la garde à domicile d’enfants en situation de handicap peut-elle à la fois répondre à leurs besoins de vie et aux besoins de répit des familles mais aussi être un levier de professionnalisation et de développement du métier de garde d’enfants à domicile ?

Dans un premier temps, nous approcherons les incidences du handicap de l’enfant dans les organisations familiales et la vie professionnelle des parents. Dans une deuxième partie, nous envisagerons les compétences mises en œuvre par les familles pour conduire le projet souhaité pour leur enfant, puis la troisième partie exposera les formes d’organisation de la garde à domicile composées par les parents.

Méthodologie

L’objectif de cette étude est de produire une meilleure connaissance de l’adéquation de l’offre d’accompagnement du handicap aux besoins des familles. Nous avons donc exploré la réception de cette offre en nous intéressant aux expériences vécues des familles et de leur enfant et à leur configuration d’aide.

Nous avons procédé à une enquête par entretiens semi-directifs en face à face auprès d’acteurs institutionnels, de professionnelles de la garde d’enfants à domicile, et de familles concernées par l’accompagnement d’un enfant et/ou de jeunes adultes en situation de handicap. Les familles ont été recrutées en faisant appel aux associations qui les représentent et aux organismes qui travaillent à l’identification de leurs besoins. Nous avons fait le choix de ne pas déterminer de critères de recrutement de notre échantillon d’enquêtés afin de saisir toute la diversité des expériences vécues et de faire émerger les points communs à ces différentes situations.

De juin à novembre 2018, nous avons enquêté auprès de six structures (organismes administratifs ou associations) : une association mandataire en Occitanie, l’association d’auxiliaires parentales d’Île-de-France Gribouilli et quatre associations impliquées dans le champ du handicap (il s’agit souvent de structures créées à l’initiative de familles) — L’Oiseau bleu, Ikigaï, Un Pas vers la vie, My Extra’ Box.

Nous avons interviewé onze parents d’enfants en situation de handicap (deux pères et neuf mères) : trois en Occitanie, une en Normandie et sept en Île-de-France. Les familles rencontrées appartiennent toutes aux classes moyennes. Toutefois, deux familles se distinguent, l’une appartenant à la fraction supérieure de la classe moyenne et l’autre à sa fraction inférieure. Nous avons également rencontré douze professionnels :

  • trois professionnelles de relais d’auxiliaires parentales dont deux éducatrices de jeunes enfants et une coordinatrice des structures petite enfance de la Ville (infirmière de formation) ;
  • une coordinatrice (éducatrice spécialisée de formation) au sein d’une plateforme de répit dans un hôpital ;
  • trois professionnels d’une association mandataire : le directeur, la conseillère économique, sociale et familiale, la responsable administrative ;
  • cinq gardes à domicile travaillant auprès de particuliers employeurs.

I. Les incidences du handicap de l’enfant sur la vie professionnelle et familiale des parents

I.1 Une vie professionnelle à réorganiser

I.1.1 Ajuster son temps de travail

Chez les familles concernées par le handicap d’un enfant, la réorganisation des emplois du temps et des investissements professionnels est fréquente. Plusieurs enquêtes et études ont analysé cette question. Il apparaît que les mères d’un enfant en situation de handicap sont plus susceptibles de réduire leur activité professionnelle que les mères en population générale.

Selon les données de la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) portant sur les enfants de 12 ans :

  • « 39 % des mères d’un enfant en situation de handicap sont inactives contre 21% des mères d’un enfant entrant au collège.
  • 35 % des mères et 4 % des pères déclarent avoir réduit ou arrêté leur activité professionnelle en raison des besoins particuliers de leur enfant.
  • 36 % des mères dont l’enfant présente un trouble viscéral ont arrêté leur activité et 26% se sont mises à temps partiel.
  • 28 % des mères dont l’enfant présente un trouble du spectre autistique ont arrêté leur activité et 30% se sont mises à temps partiel. »19HCFEA, « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille »,2018, p. 133.

D’autres données permettent de confirmer ces éléments, comme le cite le rapport du Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge, « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille ».

Les mères en couple dont l’enfant bénéficie de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé sont 51 % à travailler à temps partiel. Il est fort probable que le temps ainsi dégagé soit réinvesti dans la sphère familiale en raison des besoins spécifiques de l’enfant.

Parmi les mères rencontrées dans notre enquête, la volonté de se maintenir dans l’emploi, fût-ce à temps partiel, ne répond pas uniquement à des besoins de subsistance. Garder une vie sociale, même si cette dernière reste très limitée, est pour certaines une priorité, comme nous le confirme Gabriella Pascal, mère célibataire d’un adolescent de 17 ans polyhandicapé :

Gabriella Pascal : Donc, heureusement que j’ai gardé ce contact professionnel… J’ai une amie, c’est une ancienne collègue en fait et j’ai gardé le contact. Et c’est comme ça que j’ai pu garder des amis et un autre monde aussi. C’est bien d’avoir cet entourage avec les parents qui vivent la même chose que nous, mais c’est bien aussi d’avoir cet espace où on peut en parler avec des gens qui n’y connaissent rien, mais qui nous comprennent aussi et qu’on puisse parler aussi d’autre chose et qu’on puisse faire autre chose.

Par ailleurs, l’annonce et la gestion quotidienne du handicap sont de lourdes épreuves pour les jeunes parents rencontrés. Pour la plupart, projetés dans l’univers du handicap sans antécédent ni préparation, chacun s’accommode comme il peut de sa nouvelle identité et de ses grandes responsabilités et tâche de trouver une place. Angélique Chesne, mère d’un garçon de 3 ans atteint d’une maladie orpheline, nous a fait part du choix de son conjoint : occuper un deuxième emploi le week-end.

Angélique Chesne : On veut aussi pouvoir mettre de côté parce que quand on ne sera plus là ou quand il sera adulte, pour lui garder quand même une certaine décence plus tard, qu’il ait un minimum de confort de vie, on essaye de mettre de côté pour lui. Mon mari a fait le choix d’avoir un deuxième travail, donc en fait tous les week-ends, il a un travail complémentaire pour pouvoir mettre de côté. (…) Il se dit qu’on ne pourra pas compter sur les aides à long terme, ce ne sera peut-être pas suffisant pour assurer un niveau confortable pour notre fils, c’est un peu une angoisse pour nous, surtout pour mon mari, donc pour lui, il a besoin en fait de travailler et d’avoir cette réserve pour notre fils pour l’avenir.

Cette crainte en l’avenir exprime également la difficulté de faire confiance à un système de solvabilisation qui puisse assurer un accompagnement décent et la mise à disposition de matériel adapté.

Pour sa part, son entreprise ne lui octroyant que deux jours de congés supplémentaires en raison des besoins de son enfant (en plus des congés pour enfant malade dont tout salarié dispose), elle se voit contrainte d’engager tous ses congés payés et RTT pour les rendez-vous médicaux et paramédicaux de son fils.

I.1.2 Des statuts d’emploi à réinventer

La disponibilité parentale a donc un coût, celui de l’adaptation de son activité professionnelle et de ses conditions d’emploi pour répondre au mieux aux besoins de son enfant, comme par exemple défendre ses droits à l’inclusion scolaire, calibrer son accompagnement médical, psychologique, pédagogique, etc.

Lorsque le même métier peut s’exercer en libéral ou sous le statut de salarié, ce dernier peut être préféré car il permet de remplir ses missions dans un cadre temporel défini et de disposer de congés. Malgré tout, l’accompagnement déborde souvent de ce cadre et parfois démissionner devient la seule option.

Autre cas moins répandu dans notre échantillon et en population générale également, celui d’une associée d’entreprise devenue gérante de sa propre affaire. Ce choix s’est imposé à Louise Martin devant l’importance des activités mises en place pour sa fille de 12 ans atteinte d’une trisomie 21.

Louise Martin : Donc en fait, le fait d’être en indépendant, moi, me demande encore plus d’efforts que si j’étais salariée. Or, je suis obligée, je ne peux pas être salariée aujourd’hui. Je ne peux pas si je veux être dispo au moment où il faut pour mon enfant, je ne peux pas. Je vais avoir des rendez-vous… je suis obligée d’être indépendante. Je suis obligée.

Une autre façon de passer du salariat à temps plein au statut d’indépendant est de devenir auto-entrepreneur, ce qui a permis à Sonia Jabri-Sammou20Seul le nom de Sonia Jabri-Sammou n’a pas été anonymisé à la demande de l’enquêtée de conjuguer la mise en route et le développement de son association « My Extra’ Box »21« My Extra’Box » est une valisette remise aux parents par un professionnel de santé lors de l’annonce d’une présomption de handicap de l’enfant. Le dispositif est complété par un site internet et une application., la prise en charge de sa fille atteinte du syndrome d’Angelman et le quotidien avec son fils aîné.

Mais Louise Martin rappelle les écueils que rencontrent les familles lorsqu’elles souhaitent concilier activité professionnelle et suivi de leur enfant :

Louise Martin : Moi, je suis un peu un cas à part, j’ai fait le choix de vouloir travailler en parallèle. Mais en gros, c’est quasi impossible. Normalement, on ne s’occupe que de l’enfant handicapé. Moi, je suis une extraterrestre. C’est pratiquement impossible. Tous les gens que je connais, qui mettent en place un programme intelligent pour leur enfant, ils ne font que ça. Ils ne font que ça plus la gestion de l’association qu’ils financent. Il y en a plein.

I.2. Les incidences sur la vie familiale

Le tableau ci-après permet de comparer les situations familiales selon la présence d’un handicap et le cas échéant, sa nature. On note que les enfants en population générale scolarisés en milieu ordinaire sont 72 % à vivre avec leurs deux parents, alors qu’ils ne sont que 55 % à l’être lorsqu’ils sont en situation de handicap et scolarisés en milieu spécialisé. Par ailleurs, une des caractéristiques des familles concernées est notamment celle de la monoparentalité, largement féminine. Le tableau ci-après montre que les enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire sont 18 % à vivre avec leur mère seule, contre 2 % avec leur père seul. Lorsqu’ils sont scolarisés en milieu spécialisé, ils vivent à 21 % avec leur mère contre 3 % avec leur père.

I.2.1 Les arrangements conjugaux et coûts familiaux

Les résultats de l’enquête du Centre régional d’études et d’animation sur le handicap et l’insertion d’Île-de-France (CREAHI – IDF) portant sur les enfants dits sans solution au domicile, confirment nos hypothèses et résultats : « Les parents sont souvent seuls face à la problématique de santé de leur enfant. Nous le savons, la présence à domicile à temps plein d’un enfant handicapé rend impossible toute activité professionnelle d’un voire des deux parents. (…) Une part importante des enfants étudiés vit avec un seul de leurs parents. Dans ce cas, le parent seul, souvent avec d’autres enfants, se trouve dans l’obligation de conserver une activité professionnelle, parfois de nuit pour être disponible la journée, parfois en laissant seul l’enfant à domicile ou en l’emmenant sur le lieu de travail. Lorsque l’enfant nécessite une surveillance et une intervention de tous les instants, les parents mais aussi les frères et sœurs s’épuisent et se trouvent dans une forme d’isolement22Fiacre, Patricia, Peintre, Carole, Bouquet-Ysos, Clotilde, op.cit., p. 31.. »

Devant les obstacles et les échecs, toutes les familles ne disposent pas des mêmes ressources et des mêmes mécanismes de défense. Avec le handicap d’un enfant, les familles sont davantage exposées à des facteurs de risques somatiques et psychologiques en raison notamment de leur état de fatigue, de l’isolement social et de la précarité économique, tous trois induits par l’arrêt de l’activité professionnelle et la centration des familles sur les activités nécessaires à l’accompagnement du handicap.

Par ailleurs, les parents d’enfants en situation de handicap sont plus exposés que les autres familles à la rupture conjugale. Les différences de perception et de gestion de l’accompagnement peuvent notamment être à l’origine de la mésentente. Les travaux sociologiques ont montré que la venue d’un enfant creusait davantage l’écart d’investissement dans les tâches domestiques entre les hommes et les femmes. Lorsque l’enfant a des besoins spécifiques, l’investissement parental prend une autre dimension en se doublant de démarches administratives de reconnaissance du handicap, de valorisation de droits à l’inclusion scolaire et sociale ou de choix éducatifs auprès de professionnels libéraux. L’ampleur de l’investissement en temps et en énergie peut être massif et envahir tout l’espace familial et conjugal jusqu’à parfois amener les parents à délaisser la fratrie. « Mon fils, c’est un dommage collatéral » déplore Sonia Jabri-Sammou. Tout comme Carole Desforges, qui voit rétrospectivement « les pots cassés de toute cette énergie » investie dans la prise en charge de sa fille qui souffre d’une lourde pathologie viscérale.

Anne Duval, conseillère économique, sociale et familiale d’une association mandataire, observe que les familles qui s’adressent à elle :

Anne Duval : (…) sont épuisées, elles sont perdues, elles n’ont pas les outils psychologiques et peut-être même elles n’ont plus les outils physiques pour pouvoir répondre au souci qu’elles ont. Et elles sont perdues dans tout ce qu’il faut. (…) C’est quand même un parcours du combattant parce qu’il y a toujours…, si on réussit à faire quelque chose, on n’en profite pas pendant longtemps parce que finalement il y a toujours quelque chose à réfléchir à côté. Il faut connaître les dates aussi, les dossiers. Il faut tout réfléchir en fonction de combien de temps un dossier va être traité, d’ici là, il faut réfléchir à une autre orientation ou quoi. Enfin voilà c’est complexe quand même.

Chez les femmes rencontrées, les épisodes de dépression réactionnelle ont parfois précédé la mise en œuvre volontariste d’un accompagnement qu’elles ont souhaité optimal. Leur objectif est de maximiser les chances d’apprentissage et d’insertion sociale voire professionnelle de leur enfant lorsque cela est envisageable. Pour les familles, les verdicts institutionnels sonnent comme des condamnations définitives à la dépendance. Or, comme l’affirme Louise Martin :

Louise Martin : Pour n’importe quel individu sur terre, et en particulier pour nos enfants, c’est la vision qu’on porte sur eux qui les porte. Et quand on porte un regard sur eux bêtifiant, en fait ça ne les aide pas du tout.

I.2.2 Le renforcement de l’assignation des rôles sexués

Lorsque les besoins spécifiques d’un enfant sont incompatibles avec une prise en charge institutionnalisée, certains parents rencontrés se sont sentis contraints de devoir remplir cette fonction et l’ont vécue comme un abandon des professionnels et des administrations.

Les travaux de Geneviève Cresson, notamment, ont montré que le travail domestique de soins, à savoir les activités domestiques et les soins aux enfants, est majoritairement produit par des femmes et souvent perçu comme relevant de prédispositions exclusivement féminines. « La disponibilité à l’enfant (…) érigée en spécificité maternelle23Bloch, Françoise, Buisson, Monique, « La disponibilité à l’enfant : le don et la norme ». In: Recherches et Prévisions, n° 57-58, 1999, pp. 17-29, p.19. » s’impose d’autant plus aux femmes lorsque l’enfant nécessite des soins particuliers et il est attendu d’elles qu’elles aménagent leur emploi du temps pour y répondre. Le handicap d’un enfant fait donc ressurgir un usage du temps partiel que les sociologues observaient à la fin des années 1970 lorsqu’il « répondait à un arbitrage travail-famille qui privilégiait fortement le projet familial24Nicole-Drancourt, Chantal, « Un impensé des résistances à l’égalité entre les sexes : le régime temporel », Temporalité, 9/2009. ». À cette époque, le salaire des femmes était qualifié de complément et leur activité professionnelle restait envisageable tant qu’elle ne perturbait pas l’organisation familiale. Sitôt les difficultés apparues, il était socialement attendu d’elles qu’elles réintègrent le foyer afin de réduire les « tensions organisationnelles25Nicole-Drancourt, Chantal, op.cit. ».

Plusieurs mères rencontrées se considèrent parfois comme les variables d’ajustement de l’accompagnement : à défaut d’un accompagnement adapté pour leur enfant, elles se voient rappelées à leurs obligations familiales. Celles qui ont refusé cette assignation ont vu leurs choix frontalement jugés et sont renvoyées à l’image de la mère désinvestie de ses responsabilités. C’est notamment l’expérience d’Amélie Colin.

Amélie Colin : On a cherché par différents biais des modes de garde. Alors ce qui était étonnant, c’est qu’en fait, on n’était pas tellement guidés par l’hôpital, car il partait du principe qu’en fait, moi je m’arrêterais automatiquement de travailler. Au début, je l’ai un peu mal pris parce que j’aime mon travail et je pense que c’est important de travailler, en tout cas pour moi c’est important de travailler d’un point de vue de la santé mentale.
J’ai même appelé l’Assistance publique où on m’a dit : « Mais Madame, prenez un congé parental, pourquoi voulez-vous prendre un congé de présence parentale26« Le congé de présence parentale permet au salarié de s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Le salarié bénéficie d’une réserve de jours de congés, qu’il utilise en fonction de ses besoins. » https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1631 ? ». J’ai trouvé ça un peu gros quand même, cela m’a un peu énervée.
J’étais vexée parce que visiblement, la personne en face n’envisageait même pas que je puisse continuer à travailler.

Cette remise en question de leur volonté de poursuivre une activité professionnelle a grandement mis à l’épreuve les femmes qui ont fait ce choix. Bien que soutenues par leur entourage et notamment leur conjoint, elles ont dû manifester suffisamment de confiance en elles pour assumer leurs choix :

Carole Desforges : On était un cas un peu atypique, parce que, comme je vous disais tout à l’heure, parmi toutes les personnes que je côtoyais (…), j’étais la seule femme à travailler. Et les médecins femmes me disaient « Vous travaillez encore ! », ce que je trouvais génial parce que j’avais envie de leur dire « Et vous ? Si vous étiez dans ma situation, qu’est-ce que vous feriez ? Vous, qui avez fait 10 ans d’études. Je veux dire, moi aussi, j’en ai bavé pour être là où je suis donc… » C’est marrant, c’est un regard très (…) culpabilisant sur le thème ou en tout cas stigmatisant.

II. Les conditions de l’accompagnement à domicile

II.1 L’accompagnement à domicile : une mobilisation permanente de capitaux ?

À la lumière des enquêtes conduites sur les familles concernées par le handicap d’un enfant, on constate que ces derniers sont plus susceptibles, en France, de grandir dans des environnements qui cumulent des difficultés socio-économiques. L’enquête conduite en 2013-2014 par la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) montre qu’ « à l’école et au collège, les enfants en situation de handicap constituent une population fortement différenciée scolairement et socialement27Note d’information DEPP n° 4, février 2015, citée par Rapport HCFEA, op. cit. p. 132 ». L’actualisation de cette enquête conduite en 201528Note d’information DEPP n° 26, octobre 2016, citée par Rapport HCFEA, op. cit. p. 132. confirme les disparités entre enfants, notamment parmi ceux qui à l’âge de 12-13 ans bénéficient d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS). Ils « vivent moins souvent avec leurs deux parents et sont plus souvent confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE)29Rapport HCFEA, « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille », juillet 2018, p. 132. ».

Alors qu’il est démontré que la prévalence des handicaps chez l’enfant augmente chez les ouvriers et les employés et que s’observent de fortes disparités dans les modalités d’accompagnement et de valorisation de leurs droits en fonction de l’origine sociale, il a été demandé aux familles rencontrées de prendre en charge de nombreux aspects de l’éducation de leur enfant.

On le sait depuis les travaux de Bourdieu et Passeron30Bourdieu, Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Les Éditions de Minuit, 1964., la position sociale des parents a une incidence sur les trajectoires sociales de leur descendance. L’acquisition précoce au sein de sa famille de certaines dispositions sociales et culturelles socialement valorisées facilite l’accès aux ressources et la prise de parole pour la valorisation de ses droits31Hirschman Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.. Plusieurs familles rencontrées vont ainsi pouvoir faire valoir des droits, qui, bien qu’inscrits dans la loi, restent parfois inaccessibles.

C’est notamment le cas en matière d’inclusion scolaire. L’accès à la scolarisation en milieu ordinaire est acquis, dans les textes, depuis la loi de 1975. Depuis, des circulaires rappellent régulièrement son importance, comme par exemple celle du 30 avril 2002, qui dispose que « Chaque école, chaque collège, chaque lycée a vocation à accueillir, sans discrimination, les enfants handicapés dont la famille demande l’intégration scolaire. » La circulaire rappelle également que l’élaboration d’un projet individualisé doit permettre de répondre aux besoins des enfants, par définition évolutifs. En cas d’empêchement de cette intégration, des alternatives doivent être proposées aux familles. Ces dernières en arrivent, quand elles le peuvent, à développer « un rapport stratégique à l’institution et à ses personnels, c’est-à-dire une combinaison plus ou moins maîtrisée entre des fins poursuivies et des moyens à mettre en œuvre32Plaisance Eric, Lesain-Delabarre, Jean-Marc, « Les parents d’enfants en situation de handicap et leur rapport aux institutions », Informations sociales, n° 112, Cnaf, 2003. » pour parvenir au projet souhaité pour leur enfant. Cette mobilisation parentale en matière d’inclusion scolaire est transposable à l’accompagnement du handicap33Plaisance Eric, Lesain-Delabarre, Jean-Marc, op.cit..

Cependant, en dehors d’une solvabilisation correcte qui atténuerait les restes à charge pour les familles, la mise en œuvre de l’accompagnement nécessite souvent d’avoir des capitaux économiques, sociaux, symboliques qui permettent de dialoguer à « armes égales » avec les professionnels et de faire valoir ses droits. Il s’agit donc d’une caractéristique socialement située et donc inégalement distribuée dans la population concernée. Prendre un avocat est un des moyens de concrétiser son « capital guerrier »34Sauvadet, Thomas, Le Capital guerrier. Concurrence et solidarité entre jeunes de cité, Armand Colin, coll. « Sociétales », 2006., comme dans le cas de Mélanie Desmoulins dont le fils de 3 ans, atteint d’autisme, n’est pas accueilli par l’école maternelle publique du secteur :

Mélanie Desmoulins : Les meilleurs résultats que l’on peut, c’est l’école inclusive et c’est pour cela qu’il y a la loi de 2005 sauf que ça, ça nécessite des moyens. Ça nécessite de bouger la terre, je passe au moins un mi-temps à m’occuper de ça, j’ai pris une avocate, c’est hyper compliqué.

Ce combat quotidien demande donc des moyens, comme le rappelle Anne Duval :

Anne Duval : C’est une démarche combative vis-à-vis de toutes les difficultés qu’engendre le handicap. Et du coup, ce sont ces familles-là qui arrivent quand même à s’opposer à la toute-puissance de l’administration, de l’Éducation nationale, qui arrivent à prendre vraiment le projet de leur enfant en main en fait. Ce sont souvent des familles qui sont biparentales (…) Les familles très combatives par rapport à ça, souvent ce sont les familles qu’on va retrouver sur les parcours atypiques, qui vont choisir des écoles alternatives. Et ça, ce n’est pas gratuit et l’AVS qui va intervenir, elle ne va pas être gratuite, elle ne va pas être remboursée.

Les capacités de réflexion et d’analyse que manifestent les familles comportent donc d’importants coûts invisibles pour la solidarité nationale. Leur vigilance permanente s’apparente à un « capital guerrier35Sauvadet, op.cit. » qu’elles sont amenées à mobiliser fréquemment. On le note au travers du champ lexical de la lutte qui a souvent émergé des entretiens conduits auprès des familles36Les enquêtés ont employé les expressions suivantes : « Marche ou crève » (Gabriella Pascal), « Déplacer des montagnes » (Gabriella Pascal et Sonia Jabri-Sammou), « Persuader » (Pierre Laigle), « Tout est lutte » (Mélanie Desmoulins).. Cette injonction à combattre pour faire valoir ses droits et ceux de son enfant s’observe à tous les niveaux de l’échelle sociale37Parmi les familles rencontrées..

En effet, capital social et combativité ne se recouvrent pas totalement, car certaines familles rencontrées, notamment de la fraction inférieure de la classe moyenne, disposent d’un « capital guerrier » suffisant pour dialoguer de façon constructive avec les administrations. Constructive car audible pour ces dernières, comme l’ont montré les travaux de Delphine Serre concernant la protection de l’enfance : plus les parents se conforment aux principes et méthodes des institutions, meilleures sont leurs chances d’être pris au sérieux.

II.2 Des parents aux prises avec les institutions

À la lumière des propos recueillis lors de notre enquête, les familles rencontrées sont amenées à développer des compétences qui ne sont pas nécessairement attendues des autres parents. Assignés à l’aide par des professionnels qui leur renvoient simultanément leur responsabilité de parents et leur incompétence de profanes, les familles sont sommées de trouver une place qui respecte des rôles socialement déterminés (un soignant soigne, un parent aime) mais également parfois de remplir les places laissées vacantes faute de moyens. Où est la frontière entre le « parent-lanceur d’alerte », parfois discrédité par son interventionnisme et le « parent-infirmier », auxiliaire des professionnels ? Les parents rencontrés se sont trouvés en position de démontrer leurs compétences parentales sans avoir clairement tous les moyens de définir ces aptitudes attendues, ce qui rejoint l’analyse de la sociologue Catherine Sellenet pour laquelle « toute compétence est évaluée à l’aune de ce qu’une société, à un moment donné, trouve juste ou non, bon ou non, utile ou inutile, adapté ou pathologique. La compétence est ainsi l’expression d’un groupe d’individus qui fixent les critères d’acceptabilité de ce qu’est ou non une personne compétente en fonction de leurs propres critères. »38Sellenet, Catherine, « Approche critique de la notion de « compétences parentales », La Revue internationale de l’éducation familiale, 2009/2 n° 26, p.107.

À titre d’exemple, encore aujourd’hui, certains professionnels médicaux mettent l’autisme sur le compte d’une déficience de la relation mère-enfant, ce qui fait naître une forte culpabilité chez les mères concernées. Lorsque l’entourage se rallie aux jugements des professionnels, « dédramatise » les symptômes de l’enfant et incrimine davantage ces femmes, ceci a pour conséquence, chez les mères rencontrées, de les isoler jusqu’au cœur de leur cellule familiale et de produire des souffrances abyssales.

À la lassitude qui accompagne la prise en charge du handicap (dans toutes ses dimensions : sociales, psychologiques, familiales, etc.) s’ajoute le coût de la valorisation de ces droits. Les parents rencontrés font part des infinies ressources de patience qu’il leur a fallu développer pour affronter le monde du handicap et cela même vis-à-vis de professionnels, médicaux, paramédicaux, sociaux, chargés de les épauler. Ces familles ont pu se sentir discréditées en voyant leur inquiétude et diagnostic délégitimés :

Sonia Jabri-Sammou : Cliniquement, elle va bien, mais nous, on voit bien que notre enfant n’est pas comme à son habitude, surtout sur les enfants Angelman39« Le syndrome d’Angelman se caractérise par un déficit intellectuel et moteur sévère, une absence de langage, une jovialité et des accès de rire, des troubles de l’équilibre, un tremblement des membres, une épilepsie et des troubles du sommeil. Il a été décrit pour la première fois en 1965 par le pédiatre anglais Harry Angelman. Ce syndrome est d’origine génétique ». https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Angelman-FRfrPub90v01.pdf qui ont le rire et le sourire un peu faciles. Moi je me souviens d’une fois, j’étais avec ma fille en disant que ma fille n’est pas bien, elle n’était pas comme à l’ordinaire. On ne m’a pas prise en considération jusqu’au moment où ma sœur infirmière est arrivée, qu’elle a croisé un de ses anciens collègues urgentistes et qu’elle a dû lui dire : « Non, elle n’est pas comme d’habitude ». Lui du coup, il a pris en considération ma sœur qui est la tante et pas moi, la mère, qui disais : « Elle n’est pas comme d’habitude. »

Le manque d’écoute, de réponses, le discrédit, l’intense fatigue ont poussé certains parents à des crises d’hystérie à l’hôpital afin de se faire entendre ou à partir contre avis médical.

Magali Laugier : Personne n’a voulu venir me voir, on m’a prise pour… : « C’est vous qui êtes trop angoissée, machin, etc. », donc j’ai insisté et bon bref. Et à la troisième fois, le jeudi cela faisait la troisième fois qu’ils rataient la perf, je leur ai dit : « Ça suffit. Ne touchez plus à mon enfant, je me casse. » Je suis partie contre avis médical. (…) Dans les hôpitaux ils n’ont plus d’effectifs, ils n’ont plus de moyens et ils sont déshumanisés et ils sont processés et déshumanisés. Je pense qu’il faut réfléchir par soi-même et pas forcément toujours suivre. (…) Tout est un process. Donc aujourd’hui vous avez un enfant qui est dans une case, vous avez tel process.

Ces formes de disqualifications parentales, fréquemment entendues au cours des entretiens, ont déterminé certaines familles à mettre en œuvre un accompagnement indexé sur leurs critères et la connaissance qu’ils ont des besoins de leur enfant. Mais cette organisation nécessite des formes particulières de réflexion et d’investissement que l’on nomme réflexivité parentale. Par ce terme, il faut comprendre que les parents rencontrés ont tous cheminé intellectuellement pour conduire l’accompagnement de leur enfant. Leurs réflexions sont très élaborées, avec toutefois des mises en œuvre différenciées selon les moyens dont ils disposent. Cette réflexivité s’exprime également par une capacité de remise en question.

Parmi les parents rencontrés, certains peuvent être qualifiés d’entrepreneurs de l’accompagnement du handicap de leur enfant. Ils manifestent une « hyper-réflexivité parentale » aiguillonnée par des interventions professionnelles qu’ils jugent insuffisantes. Par ailleurs, de nombreuses recherches sociologiques ont montré que les interventions des travailleurs sociaux sur les familles sont passées progressivement d’un mode coercitif, obligeant les familles à se conformer à un modèle, à un mode plus discret « en faisant d’elle [la famille] la condition de l’épanouissement de chacun40Donzelot, Jacques, La Police des familles, Paris, Éditions de Minuit, collection « Critique »,1977. ». Ces injonctions normatives à être de bons parents qui se diffusent dans les politiques publiques41Martin, Claude (dir.), Être un bon parent. Une injonction contemporaine. Rennes, EHESP, collection « Lien social et politiques », 2014. sont redoublées pour les parents d’un enfant en situation de handicap qui pressentent des attentes sociales et des obligations de résultats dans l’accompagnement de leur enfant, notamment lorsque sa situation n’est pas stabilisée. Mais paradoxalement, cette consigne de « bonne parentalité » n’est pas, selon eux, accompagnée des moyens pour la mettre en œuvre. Leur sentiment d’abandon par les institutions est très prégnant. À titre d’exemple, l’inclusion scolaire est parfois un enjeu tel, pour les familles, que la difficulté d’obtenir une place en crèche notamment, également observée chez les familles d’enfants dits « valides », peut être interprétée comme un signe supplémentaire d’abandon. L’opacité des processus pour obtenir une place s’avérerait être, pour elles, un signe manifeste d’éviction.

Cet investissement parental en temps, énergie et argent souhaite compenser un accompagnement jugé insuffisant.

Louise Martin : Donc en fait, l’organisation d’un accompagnement spécifique pour nos enfants vient du fait qu’aujourd’hui ce qu’on attend n’existe pas. Ce qu’on attend de mieux n’existe pas aujourd’hui en France. Il n’y a pas. C’est-à-dire que tous les trucs publics qui existent sont hyper déficients au niveau de l’école, au niveau des structures qui accueillent ou qui accompagnent, donc les IME42Institut médico-éducatif. ne répondent absolument pas à nos attentes. C’est-à-dire que l’IME, c’est un peu un parc à handicapés qui n’a aucune ambition de leur apprendre quoi que ce soit. Ce sont des structures qui figent les enfants dans leur handicap et ne les aident pas à se développer et ils n’ont aucune ambition vraiment de les faire se développer au mieux et en tout cas ils ne sont en général pas formés ou ils n’ont pas les bons outils.

Plus que pour compenser, l’accompagnement a pour objectif d’enrayer un cercle vicieux, une prophétie auto-réalisatrice selon laquelle moins on cherche à développer les capacités des enfants et plus les difficultés s’ancreront.

Louise Martin : Moins on donne à l’enfant, moins il se développe. Donc, si on le met dans un lieu avec que des enfants déficients, avec de la lecture une fois par semaine avec des enfants qui ne parlent pas, sa capacité de parler va être très, très, très faible. Elle va être divisée par 100 en gros par rapport à « je suis dans un lieu normal avec les accompagnements qu’il me faut. »

Une des principales compétences pour les familles concernées est de savoir et de pouvoir « jouer le jeu » de l’institution et des organismes. « Jouer le jeu » implique d’en connaître les règles et de savoir les appliquer. L’accompagnement social s’avère alors primordial pour de nombreuses familles qui ne maîtrisent pas ces codes car il faut s’inscrire dans une perspective de candidature et de projet.

Ces parents sont fortement invités par les institutions à formuler l’éducation de leur enfant sous les traits d’un projet cohérent et de candidater à des modes de solvabilisation pour le rendre possible, sans en avoir pour autant le mode d’emploi. Ces épreuves peuvent mettre en échec les familles et ces inégalités en matière de capitaux fondent l’ensemble des inégalités de traitement.

Avoir accès à l’information, aux dispositifs et aux professionnels revêt une très grande importance dans plusieurs situations. En effet, les délais de traitement administratif sont souvent incompatibles avec la situation des familles. Ces retards compliquent la mise en œuvre de l’accompagnement et mettent en échec les enfants en compromettant leur chance d’évolution. Ces difficultés administratives traduisent pour les familles un manque d’ambition généralisé qui creuse encore davantage les écarts en constituant une perte de chance et de temps à un âge où la plasticité cérébrale permet encore d’acquérir des habiletés.

À titre d’exemple, l’attente pour une prise en charge dans un centre de référence autisme peut prendre deux ans, tout comme l’obtention d’une place en institut médico-éducatif. Selon les propos de certains enquêtés de l’Hérault, le délai de traitement des dossiers par la MDPH peut s’étendre à neuf mois ; par exemple la demande de Lionel Viala, père d’un garçon de 12 ans atteint d’une déficience neuromusculaire, devra attendre quatre ans avant d’être satisfaite. Si elle l’est un jour, sa demande a de fortes probabilités d’être obsolète. On note alors sur ce territoire, comme dans d’autres également, des ruptures de parcours, comme le précise Anne Duval, conseillère en économie sociale et familiale (CESF) d’une association mandataire consacrée à l’accompagnement des enfants et jeunes adultes en situation de handicap :

Anne Duval : C’est pour ça que j’interviens aussi, c’est pour faire passer les choses en urgence, pour faire prouver les ruptures de parcours, donc qui dit rupture de parcours dit accompagnement prioritaire dans l’orientation. (…) Il n’y a pas forcément d’âge. C’est en fonction de ce qui se passe. Une fois qu’il n’y a plus de prise en charge en fait. (…) Dès qu’il n’y a plus de prise en charge et que l’enfant est en échec, enfin que l’enfant ne s’y retrouve pas, que la famille ne s’y retrouve pas, qu’il n’y a pas de solution adaptée pour lui tout de suite qui est proposée, c’est une rupture de parcours.

La mission d’Anne Duval est de conduire « un accompagnement social global » auprès de familles isolées et précarisées qu’elle rencontre chaque jour.

Anne Duval : Moi, je les accompagne sur tout ce qui est démarche administrative, élaboration du projet de vie, donc ça, c’est la majeure partie de mon travail. On a le fameux formulaire de la MDPH. Donc déjà rien que ça, psychologiquement c’est un peu compliqué pour les parents. Au niveau administratif, c’est quand même quelque chose à prendre en main, il y a pas mal de choses à penser et à savoir. (…) Et ensuite on a ce fameux volet, on a un volet projet de vie. (…) Et en fait, moi, je les accompagne. Déjà c’est mieux quand c’est tapé, (…) quand c’est propre et surtout quand c’est vraiment détaillé, quand la demande est vraiment détaillée, quand ça ressemble vraiment à un projet de vie. J’ai plusieurs plans que j’ai élaborés en fonction des demandes. J’accompagne la famille à vraiment être actrice de ce projet de vie et à s’emparer en fait du dossier MDPH pour qu’elle puisse aussi s’emparer de toutes les autres démarches qui sont liées à l’enfant pour qu’elle puisse vraiment, vraiment faire les demandes d’elle-même après quand elle a quelque chose à changer ou quand elle a quelque chose à demander. Donc après, je peux faire des corrections par mail ou quoi, j’essaie vraiment que ce soit leur projet de vie. Quand je vois que ce sont vraiment des familles en difficulté, je m’appuie sur les diagnostics des familles, enfin des paramédicaux et tout et là par contre, j’élabore le projet de vie en faisant une évaluation sociale adressée à la MDPH. (…) En tant que travailleur social, j’ai la possibilité de faire des évaluations sociales pour une orientation, par exemple auprès d’un foyer, pour le logement aussi, pour le droit au DALO43« Le droit au logement opposable institué en 2007, permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un logement ou un hébergement digne. » cf. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18005., pour ça, pour les droits à la MDPH. Donc ça va être une évaluation de la situation en fait de l’enfant et de la famille.

L’individualisation des problèmes sociaux, autrement dit, la propension des politiques sociales à faire peser sur l’individu les raisons de son échec en omettant le caractère structurel de ses difficultés, se rencontre même dans le champ de l’accompagnement du handicap où l’on demande à des familles épuisées d’être actrices de l’accompagnement de leur enfant :

Observatoire : À vous entendre, j’ai vraiment le sentiment que c’est une candidature en fait.
Anne Duval (CESF) : C’est ça. (…) Alors que c’est un droit

II.3 Les coûts de l’investissement parental

Les budgets familiaux alloués à l’accompagnement du handicap sont nécessairement contraints par les modes de solvabilisation et par les capacités financières des familles. Il est prévisible d’observer des prises en charge qui vont au-delà des dispositifs relevant du droit commun chez les familles qui ont d’une part connaissance de ces offres et d’autre part qui peuvent les financer. Or ces deux éléments, connaissance et moyens financiers, sont des indicateurs du capital social des familles dont nous avons vu qu’il déterminait en partie les parcours des enfants.

Louise Martin, mère d’une adolescente de 12 ans atteinte de trisomie 21, a fait le choix et a eu la possibilité d’adapter l’accompagnement de sa fille.

Louise Martin : J’ai organisé tout en libéral. Et donc là ma fille avait 3 séances d’orthophonie par semaine. Elle faisait de la psychomotricité à la maison. Elle allait à l’école à temps complet, en maternelle elle avait une AVS à mi-temps. Une année, j’ai recruté quelqu’un, une AVS privée que je rémunérais moi-même, j’ai fait des pieds et des mains pour la mettre à l’école.

Louise Martin résume clairement la situation :

Louise Martin : La problématique aujourd’hui, c’est que pour mettre ça en place, ça a un coût énorme, donc les seules personnes en fait qui arrivent à le faire, ce sont ou des personnes qui sont très fortunées, ou des personnes qui ont fait le choix de dédier leur vie à leur enfant et qui ont monté des associations pour pouvoir lever des fonds parce qu’aujourd’hui la société ne finance pas ce genre de truc.

Les répercussions sociales du handicap sont dorénavant bien documentées par les rapports institutionnels et les sciences sociales, mais n’en sont pas pour autant résolues car la survenue du handicap fragilise les familles à tous points de vue : professionnel44Nicole-Drancourt, Chantal, op.cit., financier, organisationnel, familial, psychologique. Si plusieurs de ces difficultés ont des solutions administratives et institutionnelles, certaines restent parfois en suspens et induisent d’autres problèmes en cascade, laissant supposer que les véritables besoins des familles sont parfois méconnus. Les fonctionnements familiaux et le travail parental mis en œuvre pour accompagner le handicap ont fait l’objet de peu de travaux d’études. Les expériences vécues de ces familles restent majoritairement tues et d’autant plus invisibilisées qu’il est généralement convenu, qu’à des âges préscolaires, l’éducation d’un enfant relève, avant tout, de la responsabilité de ses parents et peut se dispenser à domicile.

Dans ces conditions, la garde à domicile et le paramétrage d’une éducation dispensée par des professionnels recrutés par les familles répond, pour certaines d’entre elles, à une défaillance institutionnelle et correspond, pour d’autres, à un mandat d’éducation.

III. Une forme d’organisation de l’accompagnement par les parents : la garde à domicile

Pour les familles rencontrées, le recours à une garde d’enfants à domicile est une délégation de la disponibilité parentale, un mandat d’éducation qui réclame de bien recruter les intervenants. Par son intervention, la professionnelle devient aidante de toute la famille, comme le précise Carole Desforges :

Carole Desforges : À partir du moment où j’ai eu la bonne personne chez moi pour m’occuper de mes enfants, c’était la condition sine qua non. Par contre, je vais vous dire l’année dernière, je n’étais pas à l’aise avec la personne qui s’occupait de mes enfants, et du coup moi, je n’étais pas bien dans mon travail. Je ne me sentais pas à ma place, je ne me sentais…, donc, c’est aussi un équilibre, une alchimie extrêmement délicate et ça tient à peu de choses. Moi, si on n’était pas tombés sur une personne de confiance comme elle, peut-être que j’aurais arrêté de bosser au bout d’un an en me disant j’en ai ras-le-bol de chercher tous les trois mois quelqu’un et de confier ma fille, surtout dans les circonstances qui étaient celles de notre fille, à l’époque, elle n’était vraiment pas en forme, tous les après-midis à une personne en qui je n’ai pas confiance.

III.1 La recherche du sur-mesure

Lorsque les particularités de l’enfant sont telles qu’aucune des solutions proposées par les institutions ne correspond à leurs attentes, nous avons vu que les parents deviennent les entrepreneurs de l’accompagnement de leur enfant. Le recrutement des professionnels fait partie des missions qu’ils remplissent.

Au-delà des qualités humaines et relationnelles qui sont le socle d’un accompagnement de qualité, les familles recherchent souvent des compétences spécifiques relevant de registres différents selon les besoins de l’enfant et les souhaits parentaux. Les parents créent donc une « fiche de poste » adaptée à leur enfant et leur projet. Identifier les bons vecteurs pour porter cette recherche n’a rien d’intuitif et les parents explorent souvent de nombreuses pistes :

Louise Martin : On a mis une annonce…, on a frappé à plein, plein de portes, notamment aussi auprès d’associations qui recrutent pour d’autres, mais qui facturent, qui se prennent des commissions monstrueuses genre 500 euros par mois rien que pour faire la déclaration à l’URSSAF. Je dis « je veux bien vous payer pour recruter la personne, mais la déclaration URSSAF, je la fais depuis dix ans, je n’ai pas besoin de votre aide, je ne vais pas vous payer 500 euros par mois pour ça. J’ai besoin d’utiliser cet argent pour d’autres choses. » (…) Donc, on a mis une annonce. L’unique annonce qui a marché, c’est l’annonce qu’on a mise sur le site Internet du CRAIF45CRAIF : Centre ressources autisme Île-de-France..(…) C’est un centre de formation qui est dédié plutôt à l’autisme. On a essayé Gens de confiance. On a essayé Bébé nounou. On a essayé les associations trisomie et tout ça, ils ne recrutent pas. On a essayé des écoles d’orthophonie, des écoles de psychomotricité, des écoles de psychologie, aucun retour. Aucun. Et je n’ai pas réussi à mettre une annonce sur Pôle emploi. Ça, je n’ai pas réussi. (…) Il faut faire ça sur Internet et je n’ai pas réussi à le faire, c’était compliqué, j’ai laissé tomber.

Cette exploration nécessite d’avoir le temps et l’énergie de s’y consacrer, mais trouver « la bonne personne » est à ce prix :

Louise Martin : Là, je suis hyper soulagée parce que j’ai trouvé quelqu’un qui est bien pour ma fille, sachant que j’ai mis six mois à recruter. C’est énorme six mois pour recruter. C’est six mois pour recruter parce qu’il n’y a personne de formé, très peu de personnes formées. (…) Et en fait, le fait d’avoir quelqu’un avec qui je peux parler, c’est énorme, avoir une bonne personne qui est une bonne ressource, c’est super.

Recrutement affinitaire

Une précédente étude de l’Observatoire des emplois de la famille46Touahria-Gaillard, Abdia en collaboration avec Bédel, Céline, op.cit. a montré que les adultes en situation de handicap peuvent souhaiter dans certaines situations procéder à un recrutement affinitaire dans lequel les compétences techniques sont moins déterminantes que les qualités relationnelles et les centres d’intérêt du candidat. La durée de travail au contact de son salarié, la nature des actes de soins (habillage, toilette) et le lieu d’exercice (le domicile de l’employeur) imposent de « soigner » le recrutement.

Ce type de recrutement affinitaire demande de cerner des éléments de la personnalité du candidat. La méthode de recrutement se rapproche davantage de la recherche d’un partenaire de vie plutôt que d’un salarié dans la mesure où les critères de sélection débordent la sphère strictement professionnelle. C’est le principe de la plateforme numérique Baby sittor, un site internet de mise en contact de parents et futures gardes d’enfants :

Carole Desforges : Pour vous donner un exemple de notre sensibilité quand même par rapport au recrutement, j’ai fait appel à une appli, sur les conseils d’une copine, qui s’appelle Baby sittor (…) J’ai trouvé ça bien parce que c’est un système assez efficace où en fait, alors c’est un peu comme les sites de rencontres, on se note, on se prend, on jette, mais une fois qu’on est passé au-delà de ça, ça peut fonctionner. En fait, les babysitters s’inscrivent sur le site, elles mettent un petit pitch de quelques… les phrases pour expliquer pourquoi elles veulent garder des enfants, elles mettent des photos d’elles si elles le souhaitent, à travers ça, on peut déjà avoir un premier aperçu de la personne en fonction des photos qu’elle choisit, en fonction de ce qu’elle écrit dans son message, la façon dont elle répond à notre annonce aussi en étant ciblée ou pas ciblée du tout.

Dans le cas des parents rencontrés, le soin apporté au recrutement est d’autant plus important que la garde se double d’une vigilance sanitaire pour l’enfant en situation de handicap.

Carole Desforges : J’ai trouvé en deux jours la personne pour compléter la semaine de notre première baby-sitter avec une jeune femme qui avait mis dans son annonce qu’elle avait travaillé pour les Blouses roses à l’hôpital pendant deux ans à Aix-en-Provence. Et moi, le fait qu’elle ait écrit ça sur son message… Elle ne savait pas, je n’avais pas mis, cette fois-ci, sur l’annonce que notre fille avait des besoins spécifiques. Elle l’a mis spontanément comme étant une expérience importante pour elle. Les Blouses roses, ce sont les personnes qui viennent accompagner les enfants qui sont hospitalisés ou qui attendent pour des rendez-vous à l’hôpital, ce sont des associations (…). Et donc je me suis dit « Voilà quelqu’un qui doit être sensibilisé au milieu de la maladie chez les enfants et tout ça, donc ça peut être pas mal, et pas impressionnable du coup ». C’était un peu ça aussi.

Au-delà des cas spécifiques où un appareillage est nécessaire à l’enfant et impose une manipulation de la part de la professionnelle, les parents souhaitent d’abord recruter une personne agréable à l’enfant et mature.

Angélique Chesne : Moi, je fonctionne beaucoup au feeling. Mon mari, il est beaucoup plus terre-à-terre. Donc lui, il donne beaucoup d’importance au parcours, il épluche bien les CV etc., et puis moi, j’observe plutôt le ressenti, donc le caractère de la nounou, de ce qu’elle dégage, l’énergie, si elle est souriante, pas souriante, comment elle interagit avec l’enfant. Ce sont toutes ces choses-là qui sont entrées en compte. Et puis même la réaction de l’enfant (…). Est-ce qu’il se sentait à l’aise dans les bras de la personne ou pas.

La question du diplôme ne se pose donc pas immédiatement puisque, même s’il rassure les familles, il différencie peu les candidates.

Angélique Chesne : Elles ont pourtant toutes été diplômées, mais après dans la façon de gérer, de participer à la vie de l’enfant, je pense que les formations…, je ne sais pas si elles oublient ou si ce sont des automatismes et des habitudes qu’elles acquièrent après, mais ça ne fait pas beaucoup de différences. Pour un même diplôme, la façon de garder l’enfant peut être tout à fait différente, je pense que c’est peut-être aussi lié à la personne, à sa motivation et à son énergie.

C’est donc une posture à la fois professionnelle (respecter le domicile comme un lieu de travail, faire preuve de sang-froid et de discernement face à l’imprévu), humaines et relationnelles (être agréable à l’enfant et attentive à son bien-être) et communicationnelles qui sont attendues de la part des professionnelles. Les parents insistent sur l’importance de ce dernier élément. Nous l’avons vu, la façon de répondre à l’annonce de l’offre d’emploi est une première étape du recrutement car la maîtrise de l’écriture et d’une expression jugée correcte par les familles présage de la maturité et des capacités communicationnelles de l’intervenante.

La capacité à restituer fidèlement le contenu de la journée aux parents et de communiquer de façon claire est un enjeu capital pour les parents d’un enfant en situation de handicap. En effet, professionnels et parents se relaient auprès de l’enfant. Pour assurer une continuité cohérente des soins et des activités, les uns et les autres doivent pouvoir échanger. De plus, l’accompagnatrice à domicile peut être amenée à rencontrer des professionnels paramédicaux et médicaux en l’absence de la famille. Dans ce cas, le suivi n’est pas nécessairement assuré auprès des parents qui doivent s’en remettre à la professionnelle pour connaître les exercices faits et les éventuels progrès ou marges de progression de leur enfant.

La mise en place de certains protocoles de suivi nécessite la maîtrise de la lecture et de l’écriture. Les cahiers de transmissions ou de correspondance assurent la fluidité de la communication et un même niveau d’information aux deux parents en évitant que la restitution de la journée ne soit faite qu’au seul parent qui relaie la professionnelle en fin de journée. Conserver cette mémoire de la prise en charge de l’enfant et de son évolution est très rassurante pour les familles et également utile aux professionnels de santé pour ajuster les traitements médicaux et paramédicaux. De plus, en cas de manipulation technique ou d’appareillage, la mise à disposition de fiches explicatives rassure parents et professionnelles.

Recrutement par la mise en situation

Une fois confirmées les capacités communicationnelles et relationnelles de l’intervenante, les parents peuvent procéder à une mise en situation pour s’assurer de ses aptitudes.

Angélique Chesne : On faisait aussi des simulations. On faisait venir la personne au moment d’un repas ou d’un temps de jeu pour voir comment…, pour vraiment sur le terrain voir comment elle se débrouillait. Ou par exemple, on disait « Est-ce que tu peux changer l’enfant pour vraiment faire une simulation sur le terrain ? » et des fois on était très surpris. Par exemple, sur la question de la sécurité, la personne va changer l’enfant, se retourne sans…, il y avait des choses comme ça, des réflexes, tout de suite en faisant des simulations en temps réel, on pouvait tout de suite s’apercevoir si ça passait ou si ça ne passait pas.

La capacité de dispenser des gestes de soin

Les parents sont très vigilants quant aux dispositions de la professionnelle à dispenser des gestes de soins. Cette capacité comporte au moins deux dimensions : une capacité technique qui consiste à reproduire des manipulations telles que le remplacement d’une sonde nasogastrique par exemple, et des dispositions personnelles au soin qui correspondent à des formes d’intelligence de la situation, d’adaptabilité permanente et de sang-froid, qualités fondamentales pour l’accompagnement des handicaps car les situations peuvent être instables.

Dans le cas de la capacité technique, Amélie Colin repère immédiatement les réticences des candidates et préfère ne pas poursuivre l’entretien de recrutement :

Amélie Colin : Je sentais la personne en face qui avait vraiment peur de la sonde et je ne la blâme pas du tout parce que je pense qu’à la place de cette personne, j’aurais fait pareil, mais voilà, je l’ai senti et je me suis dit : « Bon, si déjà l’idée lui fait peur, je n’ai pas envie de continuer. »

Les dispositions personnelles au soin s’expriment au cours de l’expérience avec la famille. Mais être titulaire, a minima, d’un brevet de secourisme, joue en faveur de la candidate car il marque un intérêt pour la question des soins et sanctionne des compétences pour gérer les urgences.

Carole Desforges : On lui a expliqué les gestes, on lui a laissé des fiches, et elle a été extraordinaire pendant toute cette période très tendue qui a été celle de sa sortie de l’hôpital jusqu’à ses 3 ans où notre fille n’était pas en bonne santé. Elle a fait des hémorragies. Elle a fait des infections sur cathéter. Elle était très souvent malade, elle avait des nausées. Il faut des gens qui ont énormément d’aplomb pour supporter ça et elle a toujours su gérer – en plus elle s’occupait de mon aînée à côté – en douceur, avec une grande efficacité et toujours en nous prévenant, enfin en faisant les choses dans l’ordre.

III.2 Le recours à une garde d’enfants à domicile : un choix par défaut ?

Dans les situations où les limitations du jeune enfant ne sont ni clairement définies, ni a priori incompatibles avec un mode d’accueil collectif, ce dernier a les faveurs des familles rencontrées qui y voient un moyen de socialiser précocement leur enfant. Ces habiletés sociales supposées s’acquérir au sein d’un groupe sont réputées faciliter l’entrée à l’école maternelle. À ces enjeux de socialisation s’ajoutent des raisons financières car la crèche engendrerait moins de frais et de démarches administratives qu’une garde à domicile.

Par ailleurs, il a été montré que l’accueil en collectivité, par les formes de mixité sociale qu’il permet, peut offrir davantage de perspectives notamment aux enfants issus de milieux défavorisés47Cf. « Propositions du guide ministériel visant à l’harmonisation des pratiques de PMI », DGCS, avril 2017, cité par France Stratégie, « Places en crèches. Pourquoi l’Allemagne fait-elle mieux que la France depuis 10 ans ? », Note d’analyse, n° 56, p.4..

Une fois posés ces principaux critères en faveur des modes d’accueil collectifs, à savoir la socialisation, le coût financier et la mixité sociale, les familles justifient leur choix de recourir à l’accompagnement à domicile au moyen de plusieurs éléments.

La flexibilité de ce mode d’accueil est généralement un argument de poids dans les discours des parents. En effet, les besoins spécifiques de leur enfant imposent des soins réguliers et fréquents et parfois en urgence. Le fonctionnement des établissements d’accueil collectif ne permet pas toujours de s’adapter à ces besoins.

Gabriella Pascal : Il a plus de consultations chez le médecin qu’un enfant qui n’a pas de problèmes de santé. (…) Pour qu’il puisse être accueilli en crèche, on ne va pas me déduire sa demi-journée parce qu’il va en séance de kiné ou parce qu’il va en consultation. Par contre, on va déduire sur mon salaire ma demi-journée parce que j’accompagne mon enfant en consultation. C’est la réalité de la vie.

Si, pour les enfants en situation de handicap, les bienfaits de l’inclusion scolaire ne sont plus à démontrer, il est certaines situations où la collectivité pâtit d’une inadaptation structurelle. En effet, les modes d’accueil collectifs ne permettent que difficilement, et probablement au prix d’un aménagement particulier de l’espace et des éclairages, le respect des rythmes biologiques de l’enfant. Cet élément, confirmé par une enquête précédente de l’Observatoire des emplois de la famille48Bressé, Sophie, avec la participation de Bédel, Céline, op.cit., s’ajoute à celui du respect de la sécurité affective de l’enfant.

Par définition, la gestion collective d’un groupe d’enfants ne permet pas aux professionnelles d’accorder le même niveau d’attention à chacun. Dans le cas des bébés dont la santé nécessite une attention toute particulière, l’accueil collectif est souvent déconseillé par les professionnels médicaux en raison des risques de contamination qu’il présente pour des enfants dont le système immunitaire est trop fragile. De plus, lorsque des gestes de soins spécifiques sont nécessaires, il devient complexe pour les familles de les déléguer, notamment parce que la crèche est en droit de refuser cette responsabilité.

Par ailleurs, dans les cas où les besoins de l’enfant nécessitent une attention spécifique, les gestes de soins sont potentiellement plus longs à dispenser et deviennent donc incompatibles avec le nombre d’enfants à prendre en charge. Le choix de la collectivité est souvent écarté par les familles pour ces raisons d’inadaptation de la collectivité aux besoins physiologiques et médicaux de l’enfant.

La fille d’Amélie Colin a besoin depuis sa naissance d’une sonde naso-gastrique pour s’alimenter. La pose de la sonde réclame beaucoup de précaution et une formation aux soins :

Amélie Colin : Ma fille est née et là, il a fallu avoir un peu une période de prise de recul pour comprendre à quel degré elle était atteinte, etc. Ce qu’on a compris en tout cas, c’était que la collectivité c’était impossible, déjà c’était déconseillé par les médecins et ensuite, quand j’ai eu la crèche par téléphone en leur expliquant bien le cas de ma fille, ils m’ont bien reconfirmé qu’ils ne pouvaient pas la prendre en charge dans ce cas-là.

Pour certaines familles, le souhait de combiner environnement adapté et socialisation est satisfait par le recours à la garde à domicile partagée avec d’autres parents, surtout lorsque la seconde famille accepte que la garde soit effectuée au domicile de l’enfant en situation de handicap.

Amélie Colin : La garde à domicile, c’est un espace assez calme où il y a moins de microbes. Je pense que quand les enfants sont vraiment tout petits, ce n’est pas mal. Après, juste avant d’aller à l’école, c’est intéressant d’aller en collectivité. Donc, c’est pour ça que je ne suis pas opposée du tout à l’idée de garder la garde à domicile partagée avec une autre famille par exemple. Ce sera peut-être une bonne façon d’amortir un peu et de garder cette espèce de cocon.

Le maintien d’un environnement connu et l’accessibilité du matériel médical rassurent l’enfant qui n’a pas à faire l’effort de s’intégrer à un autre espace, simplifient le travail de la professionnelle et soulagent les parents car ils facilitent l’organisation matérielle et temporelle tout en limitant les frais.

Amélie Colin : Moi je suis plutôt contente qu’elle vienne chez moi parce que du coup, il y a le matériel de ma fille qui est là, donc il n’y a pas à le dédoubler. Tout au début quand j’envisageais peut-être une assistante maternelle, du coup j’avais demandé qu’on me donne deux pompes en tout, le matériel dédoublé pour mettre chez l’assistante maternelle et j’ai été soulagée quand j’ai compris…, quand on a trouvé en fait une garde à domicile. Je n’ai pas à déplacer tout mon matériel.

Dans certaines situations, notamment en cas de troubles autistiques, la distance avec l’adulte référent, souvent la mère, est très difficilement envisageable. La séparation peut occasionner chez l’enfant d’importantes crises qui s’aggravent avec la répétition.

Magali Laugier : Avec le recul, je me rends compte que pour mon fils plus spécifiquement, de toute façon la crèche n’aurait pas été adaptée parce qu’il a des difficultés. Il a des problèmes d’hyper-anxiété, il a des angoisses de séparation. Il a un peu des problèmes de troubles du développement, il a un peu des retards et tout, donc à la crèche où il faut être un peu plus…, enfin ils sont plus nombreux et ils doivent accepter d’avoir moins d’attention à certains moments, d’attendre peut-être plus longtemps pour manger ou autre, tout ça pour mon fils ce sont des choses qu’il n’arrive pas du tout à gérer. La frustration, il ne sait pas du tout la gérer. Il voit une psy, il a une psychomotricienne…, donc en fait, c’est un enfant qui a besoin d’un environnement où au final, pour lui c’était la meilleure solution, donc peut-être que quelque part c’est un signe du destin que l’on n’ait pas eu de place parce que si on avait eu une place en crèche, on l’aurait mis en crèche et certainement pour lui, cela n’aurait pas été adapté.

La garde à domicile permet de procéder à une adaptation très progressive. La séparation est graduée en augmentant, légèrement et à intervalles réguliers, les durées d’absence de la mère. Cette progressivité, programmée de concert avec la professionnelle à domicile, n’est envisageable que dans la mesure où précisément cet accueil est individuel et que l’organisation quotidienne limite les improvisations.

Magali Laugier : Par rapport à l’hyper-anxiété de mon fils, j’ai fait cinq mois et demi d’adaptation pour qu’il s’adapte à Nounou. Au début, elle venait ici deux heures par jour. (…) Il avait cinq mois et demi. Il pleurait, c’était l’horreur, tous les jours il hurlait à la mort. Ensuite, j’ai commencé à l’emmener chez l’autre famille, mais je venais avec lui (…) pas toute la journée, deux heures. Ensuite on a commencé à essayer de lui faire faire la sieste là-bas, donc en général quand il s’endormait je repartais et quand on allait le réveiller, je revenais pour être là à son réveil. (…) Au début, c’était deux heures à la maison après c’était deux heures à la maison plus deux heures chez l’autre famille. Nounou fait 8 h -18 h 30 enfin elle fait 8 h chez l’autre famille, chez nous elle arrive à 8 h 30. Du coup, cela a été très progressif, mais après, comme il y avait la sieste, il était deux heures le matin à la maison, quatre heures l’après-midi chez l’autre famille. Je le récupérais à 16 h et après, toutes les deux ou trois semaines, j’augmentais d’une demi-heure, 16 h 30, 17 h puis 17 h 30, puis 18 h pour arriver au final à 18 h 30 en février (…).

La sécurité affective de l’enfant est assurée par un quotidien régulier et prévisible dans lequel il se sait accompagné par les mêmes personnes. Cet attachement de l’enfant à la professionnelle peut revêtir un caractère d’exclusivité qui empêche toute alternative de garde.

Magali Laugier : Je suis obligée de garder le système en place parce que déjà j’espère pouvoir retravailler, donc je ne peux pas changer de système. Je ne peux pas me permettre de quitter Nounou ou qu’elle nous quitte et prenne une autre famille et moi demain je fais quoi ? Je refais six mois d’adaptation avec quelqu’un ? Je ne peux pas. (…) C’est un investissement. Là, ce que l’on paie, c’est le lien affectif, c’est le maintien du lien affectif et la santé psychique de notre enfant. C’est ça que l’on paie (…).

En ce sens, l’accompagnement à domicile prend soin de chaque membre de la famille. La garde à domicile peut permettre l’investissement professionnel des parents s’ils le souhaitent.

Louise Martin : Ne pas travailler, à titre personnel, pour moi, ce n’est pas possible, je pense que pour ma fille ce serait insupportable aussi. Donc pour la santé de tous, mais en fait c’est un surcroît encore de travail. C’est vrai. C’est clair.

Les mères sont mises face à cette injonction contradictoire : se soumettre à la prescription sociale de « bonne parentalité » en optant pour des formes d’accompagnement qui contrarient leurs aspirations profondes. Elles sont alors mises en position d’arbitrer entre « l’amour dispensé à leur enfant » (qui ici se mesurerait à l’aune du temps passé avec lui, quelle que soit la qualité de ce temps) et leur carrière ou leurs loisirs. Leur épuisement provient notamment de ces choix impossibles.

Conclusion : les parents d’enfants en situation de handicap sont-ils des aidants comme les autres ?

La connaissance qu’ont les pouvoirs publics des difficultés des parents d’enfants en situation de handicap reste, encore aujourd’hui, très nébuleuse, comme l’est la situation des autres aidants, souvent invisibilisés parce que relégués au domicile auprès de leurs proches et parfois dévitalisés par toute l’énergie que requiert l’aide.

Sans véritable réponse politique, la survenue du handicap dans les familles est susceptible de redoubler toutes les inégalités sociales. D’une part, le traitement administratif différencié selon les territoires interroge la justice sociale et d’autre part, le manque de solvabilisation amplifie les problèmes de santé car il laisse en suspens des difficultés qui s’aggravent avec le temps. De plus, la sortie du marché du travail des mères, ou la réduction de leur temps de travail, creusent les inégalités entre hommes et femmes en assignant ces dernières aux missions domestiques et d’éducation des enfants, en les privant de la protection sociale qu’octroie l’emploi (cotisations retraite, chômage, sécurité sociale) et d’une insertion sociale satisfaisante garante de l’équilibre psychique. Dans ce contexte de matrifocalité où les femmes sont invitées à rester près de leur enfant, les ruptures conjugales ont une incidence directe sur leur précarisation économique.

Il est socialement attendu des parents qu’ils assument la charge de l’éducation de leurs enfants. Cette mission s’entend pour tous les enfants, en situation de handicap ou non. Or, s’il est admis que les compétences parentales ne s’acquièrent pas à la naissance de l’enfant, cela est encore plus vrai dans les cas de handicaps. Dans les situations rencontrées, l’accompagnement à domicile des enfants dont les besoins sont spécifiques et de leurs familles correspond à une reprise en main des choix parentaux. Ces derniers répondent à des impératifs propres à chaque enquêté. La volonté de maîtriser l’accompagnement, à savoir de faire valoir ses choix éducatifs, d’hygiène de vie, et de faire respecter le rythme de l’enfant ont prévalu dans les discours. La garde à domicile est apparue comme une solution contre les ruptures de parcours permettant ainsi aux parents de maintenir leur activité professionnelle et leur insertion sociale tout en ménageant la fratrie, le cas échéant et l’équilibre conjugal souvent fragilisé par les épreuves.

Bibliographie

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Touahria-Gaillard, Abdia, « Devenir patron en autodidacte ? Les services d’accompagnement aux aides humaines pour les particuliers employeurs en situation de handicap », Vie sociale, n° 14/1, 2016.

  • 1
    Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
  • 2
    Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.
  • 3
    Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale
  • 4
    Article 11 de la loi de 2005 : « Art. L. 114-1-1.du CASF – La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, (…) des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté (…). »
  • 5
    ODAS-CNSA, « Handicap et droit à compensation : quelles nouvelles pratiques ? Étude sur les plans personnalisés de compensation », décembre 2007, p.3.
  • 6
    CREAI, « État des lieux approfondi des interventions et des dynamiques d’acteurs relatives aux situations de handicaps rares par inter-région en France métropolitaine », 2013, pp.11-12.
  • 7
    Fiacre, Patricia, Peintre, Carole, Bouquet-Ysos, Clotilde, « Enquête sur les enfants dits « sans solution » à domicile », synthèse régionale, Cedias, CREAHI IDF, juillet 2012, p. 31.
  • 8
    L’assistance éducative concerne les mesures de protection de l’enfance judiciarisées.
  • 9
    Cf. recommandation CM/Rec (2010)2 du 3 février 2010 du comité des ministres du Conseil de l’Europe : https://www.coe.int/fr/web/disability/adopted-texts consulté le 19 juillet 2017.
  • 10
    Prestation de compensation du handicap, allocation adulte handicapé, etc.
  • 11
    DREES, document de travail, Handicaps-Incapacités-Dépendance, premiers travaux d’exploitation de l’enquête HID, colloque scientifique, Montpellier, 30 novembre et 1er décembre 2000, coordination Christel Colin et Roselyne Kerjosse, n° 16 – juillet 2001, graphique 8, p. 196.
  • 12
    Mormiche, Pierre, « Le handicap se conjugue au pluriel », INSEE première, n° 742, 2000.
  • 13
    Mormiche, Pierre, op.cit., p. 4.
  • 14
    Etchegaray, Amélie, Bourgarel, Sophie, Mazurek, Hubert, « Géographie de la population en situation de handicap en France métropolitaine », Laboratoire Population, Environnement et Développement et CREAI PACA et Corse, 2018, p. 11.
  • 15
  • 16
    Depuis le 1er avril 2008, les enfants peuvent percevoir la prestation compensatrice du handicap sous réserve de remplir les conditions d’attribution du complément de l’allocation d’éducation d’enfant handicapé (AEEH).
  • 17
    Bressé, Sophie, Les particuliers employeurs en situation de handicap : quelles réalités ?, Observatoire des emplois de la famille, FEPEM, novembre 2014 ; Touahria-Gaillard, Abdia, en collaboration avec Bédel, Céline, Expériences vécues de particuliers employeurs en situation de handicap, Observatoire des emplois de la famille, FEPEM, novembre 2015 ; Touahria-Gaillard, Abdia, « Devenir patron en autodidacte ? Les services d’accompagnement aux aides humaines pour les particuliers employeurs en situation de handicap », Vie sociale, n°14/1, 2016 ; Touahria-Gaillard, Abdia, « Des employeurs comme les autres ? Quelles spécificités de management pour les particuliers employeurs en incapacité motrice majeure ? », Vie sociale 2017/1 (n° 17) ; « L’accompagnement du handicap à domicile : enjeux moraux, sociaux et politiques », Journée d’études du 8 février 2016, Conservatoire national des arts et métiers, ouvrage collectif issu de la journée d’études paru aux Presses universitaires de Grenoble.
  • 18
    Bressé, Sophie, avec la participation de Bédel, Céline, Professionnaliser la garde d’enfants à domicile. Répondre aux enjeux d’accueil de demain, Observatoire des emplois de la famille, décembre 2016.
  • 19
    HCFEA, « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille »,2018, p. 133.
  • 20
    Seul le nom de Sonia Jabri-Sammou n’a pas été anonymisé à la demande de l’enquêtée
  • 21
    « My Extra’Box » est une valisette remise aux parents par un professionnel de santé lors de l’annonce d’une présomption de handicap de l’enfant. Le dispositif est complété par un site internet et une application.
  • 22
    Fiacre, Patricia, Peintre, Carole, Bouquet-Ysos, Clotilde, op.cit., p. 31.
  • 23
    Bloch, Françoise, Buisson, Monique, « La disponibilité à l’enfant : le don et la norme ». In: Recherches et Prévisions, n° 57-58, 1999, pp. 17-29, p.19.
  • 24
    Nicole-Drancourt, Chantal, « Un impensé des résistances à l’égalité entre les sexes : le régime temporel », Temporalité, 9/2009.
  • 25
    Nicole-Drancourt, Chantal, op.cit.
  • 26
    « Le congé de présence parentale permet au salarié de s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Le salarié bénéficie d’une réserve de jours de congés, qu’il utilise en fonction de ses besoins. » https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1631
  • 27
    Note d’information DEPP n° 4, février 2015, citée par Rapport HCFEA, op. cit. p. 132
  • 28
    Note d’information DEPP n° 26, octobre 2016, citée par Rapport HCFEA, op. cit. p. 132.
  • 29
    Rapport HCFEA, « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille », juillet 2018, p. 132.
  • 30
    Bourdieu, Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Les Éditions de Minuit, 1964.
  • 31
    Hirschman Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.
  • 32
    Plaisance Eric, Lesain-Delabarre, Jean-Marc, « Les parents d’enfants en situation de handicap et leur rapport aux institutions », Informations sociales, n° 112, Cnaf, 2003.
  • 33
    Plaisance Eric, Lesain-Delabarre, Jean-Marc, op.cit.
  • 34
    Sauvadet, Thomas, Le Capital guerrier. Concurrence et solidarité entre jeunes de cité, Armand Colin, coll. « Sociétales », 2006.
  • 35
    Sauvadet, op.cit.
  • 36
    Les enquêtés ont employé les expressions suivantes : « Marche ou crève » (Gabriella Pascal), « Déplacer des montagnes » (Gabriella Pascal et Sonia Jabri-Sammou), « Persuader » (Pierre Laigle), « Tout est lutte » (Mélanie Desmoulins).
  • 37
    Parmi les familles rencontrées.
  • 38
    Sellenet, Catherine, « Approche critique de la notion de « compétences parentales », La Revue internationale de l’éducation familiale, 2009/2 n° 26, p.107.
  • 39
    « Le syndrome d’Angelman se caractérise par un déficit intellectuel et moteur sévère, une absence de langage, une jovialité et des accès de rire, des troubles de l’équilibre, un tremblement des membres, une épilepsie et des troubles du sommeil. Il a été décrit pour la première fois en 1965 par le pédiatre anglais Harry Angelman. Ce syndrome est d’origine génétique ». https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Angelman-FRfrPub90v01.pdf
  • 40
    Donzelot, Jacques, La Police des familles, Paris, Éditions de Minuit, collection « Critique »,1977.
  • 41
    Martin, Claude (dir.), Être un bon parent. Une injonction contemporaine. Rennes, EHESP, collection « Lien social et politiques », 2014.
  • 42
    Institut médico-éducatif.
  • 43
    « Le droit au logement opposable institué en 2007, permet aux personnes mal logées de faire valoir leur droit à un logement ou un hébergement digne. » cf. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18005.
  • 44
    Nicole-Drancourt, Chantal, op.cit.
  • 45
    CRAIF : Centre ressources autisme Île-de-France.
  • 46
    Touahria-Gaillard, Abdia en collaboration avec Bédel, Céline, op.cit.
  • 47
    Cf. « Propositions du guide ministériel visant à l’harmonisation des pratiques de PMI », DGCS, avril 2017, cité par France Stratégie, « Places en crèches. Pourquoi l’Allemagne fait-elle mieux que la France depuis 10 ans ? », Note d’analyse, n° 56, p.4.
  • 48
    Bressé, Sophie, avec la participation de Bédel, Céline, op.cit.