Le vieillissement de la population française représente un défi majeur pour le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile, qui doit non seulement anticiper la croissance des besoins d’accompagnement à domicile, mais aussi faire face au vieillissement de sa population salariée1V. Lagandré ; I. Puech, « Les besoins en emplois et en compétences dans le secteur de l’emploi à domicile à l’horizon 2030 », Baromètre des emplois de la famille, n°36, Observatoire des emplois de la famille, juillet 2021.. À l’horizon 2030, un(e) salarié(e) du secteur sur deux atteindra l’âge de la retraite : ce sont ainsi 660 000 recrutements qui devront être effectués pour compenser ces départs en fin de carrière. De surcroît, toujours à l’horizon 2030, 800 000 particuliers employeurs seront âgés de 80 ans et plus, soit 200 000 de plus que dix ans auparavant. L’accélération du vieillissement de la population engendrera mécaniquement une augmentation du nombre de particuliers employeurs âgés, et par conséquent, des besoins de main-d’œuvre supplémentaires.
Au total, selon les projections réalisées par l’Observatoire des emplois de la famille, 790 000 emplois seront à pourvoir dans le secteur à l’horizon 2030.
Afin de faire face aux défis démographiques et aux besoins de recrutements qui les accompagnent, le secteur s’est engagé à lancer prochainement un projet d’expérimentation pour une migration économique, inclusive et responsable sur les territoires.
Le 37e Baromètre des emplois de la famille met en perspective des données inédites sur les salarié(e)s du secteur né(e)s à l’étranger, et sur les particuliers employeurs, dont 56 % emploient, ont employé ou envisagent d’employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère.
L’emploi d’immigré(e)s
Plus d’un(e) salarié(e) sur cinq est né(e) à l’étranger
Les femmes actives immigrées représentent 52 % des actifs immigrés en France2A. Desjonquères, B. Lhommeau, M. Niang, M. Okba, « Quels sont les métiers des immigrés ? », Dares analyses, n°36, juillet 2021.. Elles sont très présentes dans les métiers des services aux particuliers et aux collectivités, et notamment dans l’emploi à domicile. Les métiers du secteur figurent parmi ceux qui comptent la plus forte proportion de salarié(e)s immigré(e)s : 22 % des salarié(e)s des particuliers employeurs sont immigré(e)s, contre 10 % de l’ensemble de la population salariée en France3Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’intégration, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Certains d’entre eux ont pu acquérir la nationalité française.. Selon l’Ircem, près de 299 600 salarié(e)s des particuliers employeurs sont né(e)s à l’étranger.
La part de salarié(e)s né(e)s à l’étranger varie selon le métier exercé : il(elle)s représentent 29 % des gardes d’enfants à domicile, 23 % des employé(e)s familiaux(ales) et des assistant(e)s de vie, et 13 % des assistant(e)s maternel(le)s.
Les salarié(e)s né(e)s à l’étranger sont légèrement plus âgé(e)s que les autres salarié(e)s du secteur : l’âge moyen des employé(e)s familiaux(ales) et des assistant(e)s maternel(le)s immigré(e)s est d’un an supérieur à celui de l’ensemble des salarié(e)s de ces catégories d’emploi : respectivement 50 ans et 49 ans.
Parmi les gardes d’enfants, la différence d’âge entre les salarié(e)s immigré(e)s et l’ensemble est plus importante : l’âge moyen des salarié(e)s né(e)s à l’étranger s’établit à 45 ans, contre 39 ans pour l’ensemble des gardes d’enfants à domicile. Dans cette catégorie d’emploi, 40 % des salarié(e)s immigré(e)s sont âgé(e)s de 50 ans et plus, contre 32 % pour l’ensemble des gardes d’enfants à domicile. Cet écart s’explique notamment par les différents modes d’exercice de l’activité au sein de ce métier : le baby-sitting ou l’accueil périscolaire, exercé par une population jeune, et probablement moins souvent d’origine étrangère, et la garde d’enfants à domicile à temps plein, plus souvent assurée par des salarié(e)s plus âgé(e)s.
Une spécialisation professionnelle selon le pays d’origine
Parmi les salarié(e)s des particuliers employeurs né(e)s à l’étranger, 42 % sont originaires d’un pays d’Europe (hors France) et 41 % d’Afrique. Les immigré(e)s d’origine portugaise représentent à eux(elles) seul(e)s 23 % des emplois du secteur, et les natifs(ves) du Maroc occupent un emploi sur dix, tout comme ceux(celles) originaires d’Algérie.
Une répartition assez proche est observée pour l’ensemble des immigré(e)s en emploi4A. Desjonquères, M. Niang, M. Okba, « Les métiers des immigrés », Dares Document d’études, n° 254, septembre 2021., dont 45 % sont originaires d’Afrique et 22 % d’Asie. Les salarié(e)s originaires d’un pays d’Europe, hors France, sont en revanche proportionnellement plus nombreux(ses) dans le secteur de l’emploi à domicile (42 %) que dans l’ensemble de la population immigrée en emploi (33 %).
La spécialisation professionnelle des salarié(e)s immigré(e)s est forte. Le Portugal est le premier pays d’origine de 28 % des employé(e)s familiaux(ales) et des assistant(e)s de vie, 25 % des assistant(e)s maternel(le)s sont né(e)s en Algérie et 21 % au Maroc, et 13 % des gardes d’enfants sont originaires de Côte d’Ivoire.
Une concentration des salarié(e)s immigré(e)s en Île-de-France
La concentration des immigré(e)s au sein de la population des salarié(e)s des particuliers employeurs varie selon les régions. Elle est particulièrement forte dans la région Île-de-France (47 % des salarié(e)s du secteur de l’emploi à domicile né(e)s à l’étranger y vivent), où la part des immigré(e)s dans l’emploi total est également la plus élevée (22 %)5Ibid.. Les régions situées dans la moitié sud du territoire, la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’Auvergne-Rhône-Alpes et l’Occitanie font également partie des territoires ayant une part de salarié(e)s immigré(e)s relativement importante.
L’emploi de salarié(e)s d’origine étrangère ou étranger(ère)s à domicile : la perception des particuliers employeurs
En 2021, l’Observatoire des emplois de la famille a piloté une étude menée par Ipsos du 26 avril au 5 mai 2021 auprès de 1 036 particuliers employeurs sur le recours à domicile à des salarié(e)s étranger(ère)s ou d’origine étrangère.
Le recours à des salarié(e)s étranger(ère)s ou d’origine étrangère
Un quart des particuliers employeurs interrogés emploient actuellement un(e) ou plusieurs salarié(e)s étranger(ère)s ou d’origine étrangère et un tiers indique que cela a été leur cas par le passé. 43 % affirment qu’ils envisageraient d’employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère à l’avenir. Au total, 56 % des particuliers employeurs emploient, ont employé ou envisageraient d’employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère.
Les plus enclins à employer des salarié(e)s étranger(ère)s ou d’origine étrangère, à en avoir déjà employé ou à envisager de le faire sont des particuliers employeurs relativement âgés (64 % des 60 ans et plus contre 56 % pour l’ensemble), ainsi que ceux recourant à un(e) garde d’enfants à domicile (67 %), à un(e) employé(e) familial(e) pour l’entretien du cadre de vie (65 %) ou à un(e) assistant(e) de vie pour l’accompagnement aux gestes de la vie quotidienne (61 %). À l’inverse, l’activité d’assistant(e) maternel(le) est moins fréquemment citée pour l’emploi d’un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère. C’est aussi un métier dans lequel la part de salarié(e)s né(e)s à l’étranger est relativement faible par rapport aux autres métiers du secteur de l’emploi à domicile.
Employer un(e) salarié(e) immigré(e) : une source d’enrichissement mutuel et un fort sentiment d’utilité pour les particuliers employeurs
Pour 64 % des particuliers employeurs interrogés, l’emploi à domicile est un facteur d’intégration pour les personnes étrangères ou d’origine étrangère. Il valorise la diversité des salarié(e)s pour 58 % des employeurs.
La majorité des répondant(e)s indique qu’employer à domicile un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère représente avant tout une source d’enrichissement mutuel (71 %) et renvoie à un sentiment d’utilité pour le particulier employeur (64 %).
Autres atouts relevés par près de la moitié des particuliers employeurs, le fait que cela puisse faciliter la régularisation des salarié(e)s en attente de titres de séjour (47 %), et la simplicité d’un point de vue administratif (47 %). Les avis sont plus partagés sur le fait qu’employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère puisse compliquer la relation : 46 % estiment que ce n’est pas le cas, et 37 % pensent à l’inverse que cela la complique.
La perception des implications de l’emploi d’un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère est très nettement influencée par l’expérience des particuliers employeurs. Ceux qui font ou ont déjà fait appel à un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère sont ainsi beaucoup plus positifs concernant ces implications concrètes : 62 % estiment que le fait d’employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère est simple d’un point de vue administratif, contre 38 % des particuliers employeurs n’en ayant pas fait l’expérience.
Les écarts de perception se retrouvent également sur le sentiment d’utilité de l’employeur (72 % contre 61 %), et sur le fait que cela peut faciliter la régularisation de salarié(e)s en attente de titres de séjour (54 % contre 44 %).
Avoir déjà employé un(e) salarié(e) immigré(e) à domicile influence ainsi positivement l’opinion des particuliers employeurs sur le sujet.
Les conditions essentielles pour l’emploi d’un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère
Parmi les conditions citées par les particuliers employeurs comme étant essentielles pour employer un(e) salarié(e) étranger(ère) ou d’origine étrangère, figurent : l’importance de la langue française (88 % d’entre eux), le fait que le(la) salarié(e) ait des compétences professionnelles (87 %) et qu’il(elle) soit en situation régulière (85 %). L’expérience professionnelle dans le secteur fait également partie des conditions jugées les plus importantes (75 %).
Les particuliers employeurs faisant appel à un(e) salarié(e) pour des activités de soin (garde d’enfants, assistant(e) maternel(le), assistant(e) de vie) soulignent tout particulièrement l’importance de la maîtrise de la langue française. L’échange d’informations et la communication orale étant, dans ces activités, primordiales.
À l’inverse, le partage avec le(la) salarié(e) de références culturelles communes ou de la même religion a très peu d’importance pour les particuliers employeurs interrogés.
Véronique Lagandré
Isabelle Puech
Stéphanie Queval
- 1V. Lagandré ; I. Puech, « Les besoins en emplois et en compétences dans le secteur de l’emploi à domicile à l’horizon 2030 », Baromètre des emplois de la famille, n°36, Observatoire des emplois de la famille, juillet 2021.
- 2A. Desjonquères, B. Lhommeau, M. Niang, M. Okba, « Quels sont les métiers des immigrés ? », Dares analyses, n°36, juillet 2021.
- 3Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’intégration, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Certains d’entre eux ont pu acquérir la nationalité française.
- 4A. Desjonquères, M. Niang, M. Okba, « Les métiers des immigrés », Dares Document d’études, n° 254, septembre 2021.
- 5Ibid.