Avec près de 750 000 places d’accueil proposées, les assistant(e)s maternel(le)s représentent le premier mode d’accueil formel des jeunes enfants en France. Selon la Drees1Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des Solidarités et de la Santé., 53 % des enfants de moins de 3 ans qui ne sont pas gardés à titre principal par un membre de leur famille sont accueillis par un(e) assistant(e) maternel(le), tandis que 36 % le sont par un établissement d’accueil du jeune enfant. Implanté sur tous les territoires, ruraux et urbains, ce mode d’accueil individuel est relativement fréquent dans les communes de moins de 5 000 habitants. Il est particulièrement utilisé par les familles biparentales actives.
Depuis plusieurs années, l’activité des assistant(e)s maternel(le)s tend à reculer, alors même que les besoins d’accueil restent importants. Ce baromètre propose de revenir sur les raisons démographiques et économiques de cette érosion, au moment même où les pouvoirs publics engagent une réflexion sur la création d’un service public de la petite enfance. Objectif : apporter à tous les parents une solution d’accueil pour leurs enfants, avec une même exigence de qualité et à un coût similaire quelque soit le mode d’accueil choisi.
Les assistant(e)s maternel(le)s, premier mode d’accueil formel des enfants de moins de 3 ans
Les modes d’accueil formels, individuels et collectifs, couvrent en France près de 60 % des besoins d’accueil des enfants de moins de 3 ans. Les assistant(e)s maternel(le)s arrivent en tête avec 33 places proposées pour 100 enfants de moins de 3 ans, tandis que la capacité d’accueil des gardes d’enfants à domicile est de 2,1 places.
Au total, l’accueil individuel propose 35,1 places pour 100 enfants de moins de 3 ans et l’accueil collectif 24,6 places (20,9 places dans les établissements d’accueil du jeune enfant – Eaje – et 3,7 places à l’école maternelle).
La couverture des besoins par les assistant(e)s maternel(le)s varie selon les territoires. La capacité d’accueil est supérieure à 50 places dans l’Ouest de la France. A contrario, la couverture des besoins est plus faible dans les DROM, le Sud-Est de la France, la Corse ainsi qu’à Paris.
Le recours aux modes d’accueil diffère également selon le type de territoire. En milieu rural, l’assistant(e) maternel(le) est le mode d’accueil auquel les parents ont le plus souvent recours2P. Virot, « Grandir dans un territoire rural : quelles différences de conditions de vie par rapport aux espaces urbains ? », Études & résultats, n° 1189, Drees, mars 2021. Enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants réalisée par la Drees en 2013. : 27 % des enfants de moins de 3 ans étaient accueillis principalement par une assistant(e) maternel(le) et 7 % dans une crèche collective.
En milieu urbain, les parents ont recours dans les mêmes proportions à une assistant(e) maternel(le) et à une crèche collective (16 % des enfants).
L’accueil individuel des jeunes enfants : plus de 400 000 salarié(e)s en activité
L’accueil individuel représente un volume d’emplois conséquent : 405 225 salarié(e)s sont employé(e)s par les particuliers employeurs pour accueillir à leur domicile, ou au domicile de l’assistant(e) maternel(le), leurs enfants. Selon la Dares3Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion., le métier d’assistant(e) maternel(le) figure parmi les métiers qui emploient le plus de salarié(e)s en France4M. Niang, T. Vroylandt, « Les tensions sur le marché du travail en 2019 », Dares résultats, n° 32, octobre 2020.. En 2019, 1 million de parents emploient 288 299 assistant(e)s maternel(le)s. L’activité génère 1,1 milliard d’heures de travail déclarées et 3,9 milliards d’euros de masse salariale nette versés chaque année par les particuliers employeurs.
Moins répandue, l’activité de garde d’enfants à domicile concerne 127 481 parents employeurs et 116 926 salarié(e)s. Ce mode d’accueil se concentre dans les grandes aires urbaines françaises en raison de la forte présence des catégories socio-professionnelles cadres recourant plus souvent à la garde à domicile. En outre, 62 % de l’activité déclarée par les parents employeurs de gardes d’enfants à domicile se concentre en Île-de-France, notamment à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Entre 2015 et 2018, le nombre de parents employeurs a augmenté de 9 % et celui des gardes d’enfants à domicile de près de 10 %. Depuis 2018, l’activité marque un ralentissement.
Un engouement qui ne faiblit pas pour les maisons d’assistants maternels
Depuis 2010, les assistant(e)s maternel(le)s peuvent exercer leur activité professionnelle dans un autre lieu que leur domicile : les MAM – maisons d’assistants maternels. Au sein de ce lieu, il(s)/elle(s) peuvent exercer seul(e)s ou à plusieurs (4 professionnel(le)s au maximum simultanément) et y accueillir 20 enfants maximum. Depuis leur création, le nombre de MAM progresse à un rythme soutenu : en 2019, 3 475 MAM sont recensées sur le territoire contre 1 212 en 2014, soit une augmentation de 187 %. À titre de comparaison, sur la même période, la progression des microcrèches atteint 146 %, passant de 1 900 à 4 680 structures sur le territoire.
Cette vive progression répond à une évolution des besoins et des aspirations de certain(e)s assistant(e)s maternel(le)s : rompre l’isolement professionnel, exercer en dehors du domicile, obtenir une meilleure reconnaissance professionnelle, faire évoluer les pratiques professionnelles au contact des pairs… Du côté des familles, la MAM est un mode d’accueil flexible qui peut s’adapter à leurs besoins (accueil sur des horaires atypiques, amplitude horaire élargie) et qui répond à une préférence de certains parents pour un environnement collectif. Pour cette raison, la MAM peut constituer pour les parents une solution alternative aux assistant(e)s maternel(le)s exerçant à leur domicile.
Toutefois, l’implantation des MAM n’est pas homogène sur les territoires. Sept départements comptent plus de 100 MAM (Finistère, Nord, Haute-Garonne, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Seine-Maritime, Gironde) et un seul (Hautes-Pyrénées) ne dispose pas de MAM en 2019. Les disparités territoriales peuvent s’expliquer par le niveau d’implication des acteurs locaux dans l’aide à l’installation ou encore par la difficulté pour les assistant(e)s maternel(le)s à disposer d’un local suffisamment grand pour accueillir plusieurs enfants. De plus, le modèle économique des MAM repose sur un équilibre fragile entre les revenus des professionnel(le)s et les charges de fonctionnement des MAM, structurellement plus élevées qu’au domicile de ceux(celles)-ci. La nouvelle organisation du travail ainsi constituée (nécessitant la mise en place d’un collectif de travail, une coordination des professionnel(le)s pour la répartition des tâches, le partage des postures éducatives…) peut également générer des difficultés relationnelles entre les salarié(e)s et provoquer des départs et la fermeture de certaines MAM.
L’érosion de l’activité des assistant(e)s maternel(le)s
Entre 2014 et 2019, le nombre de parents employeurs, d’heures déclarées et d’assistant(e)s maternel(le)s ont reculé, respectivement de 9 %, 8 % et 17 %.
Plusieurs facteurs contribuent à expliquer cette évolution :
- Le nombre de naissances en France recule depuis plusieurs années (-8 % entre 2014 et 2019) notamment en raison de la diminution du nombre de femmes en âge d’avoir des enfants et de leur fécondité.
- Le vieillissement continu de la population des assistant(e)s maternel(le)s se traduit par des départs massifs à la retraite qui ne sont pas compensés par un nombre suffisant de nouvelles entrées dans le métier.
- Certain(e)s professionnel(le)s sont confronté(e)s à des situations de sous-activité5Les assistant(e)s maternel(le)s en sous-activité travaillent moins d’heures ou accueillent moins d’enfants que ce que leur agrément leur permettrait de faire. liées à des déséquilibres ponctuels entre l’offre et la demande (accueil ponctuel en périscolaire, gestion des contrats à temps partiel, vacances de places à la suite d’une fin de contrat…). La sous-activité peut également refléter une inadéquation structurelle entre l’offre et les besoins d’accueil : horaires non adaptés à la demande, localisation géographique des professionnel(le)s parfois peu compatible avec les impératifs des parents (offre d’accueil trop éloignée du domicile, du lieu d’activité des parents ou encore d’une école élémentaire)6N. Bardaille, E. Bouvier, « Mesure et facteurs explicatifs des difficultés d’emploi des assistantes maternelles agréées ? Une enquête menée dans le département du Nord », Politiques sociales et familiales, n° 109, Cnaf, septembre 2012.. L’inadéquation géographique figure, avec la non-durabilité de l’emploi, parmi les principales sources de tension observées dans le métier d’assistant maternel7M. Niang, T. Vroylandt, « Les tensions sur le marché du travail en 2019 », Dares résultats, n° 32, octobre 2020..
- Le soutien accru ces dernières années des pouvoirs publics en faveur des crèches (au travers de divers plans nationaux) s’est traduit par une baisse du recours à l’accueil individuel. Selon l’Insee8P. Pora, « Accroître l’offre de places en crèche : peu d’effet sur l’emploi, une baisse du recours aux autres modes de garde », Insee Analyses, n° 55, septembre 2020. Les communes où les augmentations annuelles des places en Eaje ont été les plus importantes entre 2007 et 2015 ont entraîné, quatre ans après, une diminution de l’activité déclarée de 13 % de l’accueil individuel., une forte augmentation de la capacité d’accueil des Eaje a provoqué un recul du recours aux assistant(e)s maternel(le)s et aux gardes d’enfants à domicile sur les territoires où les places en crèche ont été créées.
- Pour la plupart des familles, le recours à un(e) assistant(e) maternel(le) est plus onéreux que la crèche en raison du mode de calcul du complément du libre choix du mode de garde (CMG) moins favorable aux parents employeurs d’assistant(e) maternel(le). Pour les familles dont les revenus sont inférieurs à 5 Smic, le reste à charge est plus élevé si elles recourent à un(e) assistant(e) maternel(le) plutôt qu’à un Eaje9Onape, L’Accueil du jeune enfant en 2020. Édition 2021, Cnaf, 152 p..
Alors que plus de la moitié des enfants accueillis par un mode formel, extérieur à leur famille, le sont par un(e) assistant(e) maternel(le), 53 % des dépenses publiques en matière d’accueil du jeune enfant concernent l’accueil collectif et 38 % l’accueil individuel10Ibid..
2020, les incidences d’une année singulière
L’année 2020 a été marquée par le déclenchement de la crise sanitaire de la Covid-19, avec la mise en place de deux confinements (du 17 mars au 10 mai et du 30 octobre au 15 décembre 2020). Le premier confinement a marqué un arrêt brutal et totalement inédit de toute l’activité économique en France. Selon le sondage Ipsos-FEPEM, 48 % des assistant(e)s maternel(le)s et 33 % des gardes d’enfants à domicile ont poursuivi leur activité pendant cette période11V. Lagandré, F. Petit, I. Puech, S. Queval, « Les premiers effets de la crise sanitaire sur l’emploi à domicile », Baromètre des emplois de la famille, n°34, Observatoire des emplois de la famille, décembre 2020.. Lors du deuxième confinement, moins restrictif, l’activité des salarié(e)s s’est largement maintenue : 98 % des assistant(e)s maternel(le)s et 94 % des gardes d’enfants à domicile12V. Lagandré, F. Petit, I. Puech, « L’emploi à domicile résiste à la crise sanitaire au second semestre 2020 », Baromètre des emplois de la famille, n°35, Observatoire des emplois de la famille, mars 2021. ont été dans ce cas.
La mise en place d’un dispositif exceptionnel d’indemnisation, s’apparentant à une indemnité d’activité partielle, a concerné 33 % des parents employeurs entre mars et décembre 2020 selon l’Urssaf et a contribué au maintien de l’emploi et des salaires.
Sur l’ensemble de l’année 2020, la garde d’enfants à domicile affiche les plus forts reculs d’activité. Les confinements imposés au domicile, le maintien de l’activité partielle pour certaines entreprises et le télétravail des particuliers employeurs ont pu affecter le recours à ce mode d’accueil. Le nombre de parents employeurs baisse de 4 % en 2020 et les heures déclarées affichent un recul historique de 16,4 %. Pour les assistant(e)s maternel(le)s, l’activité est aussi affectée, avec des reculs de la masse salariale nette versée et des heures déclarées : -7,4 % et -8,4 % en 2020. Le recul du nombre de parents employeurs se poursuit quant à lui au même rythme qu’en 2019 (-3,7 % en 2020) et le nombre de salarié(e)s recule davantage (-6,2 % contre -5,4 % en 2019).
La tendance sur les trois premiers trimestres 2021 montre une reprise progressive de l’activité de l’accueil individuel sans toutefois atteindre les niveaux d’avant la crise. Ainsi, au 3e trimestre 2021, le nombre de particuliers employeurs progresse de 1,1 % pour les assistant(e)s maternel(le)s et de 3,5 % pour les gardes d’enfants à domicile par rapport au trimestre précédent.
À l’horizon 2030, de nombreux emplois à pourvoir pour les assistant(e)s maternel(le)s
Selon les projections réalisées par l’Observatoire de l’emploi à domicile, 790 000 emplois dans le secteur des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile seront à pourvoir à l’horizon 203013V. Lagandré, I. Puech, « Les besoins en emplois et en compétences dans le secteur de l’emploi à domicile à l’horizon 2030 », Baromètre des emplois de la famille, n°36, Observatoire des emplois de la famille, juin 2021.. Le renouvellement de la population salariée constitue un enjeu majeur : un(e) salarié(e) sur deux atteindra l’âge de la retraite à l’horizon 2030.
Plus âgé(e)s que les gardes d’enfants à domicile, les assistant(e)s maternel(le)s seront nombreux(ses) à atteindre l’âge légal de départ à la retraite (62 ans) d’ici à 2030. L’âge moyen des assistant(e)s maternel(le)s est de 48 ans alors qu’il est de 36 ans pour les gardes d’enfants à domicile. D’ici à 2030, 44 % des assistant(e)s maternel(le)s en exercice seront en âge de partir à la retraite14Avec une hypothèse d’âge légal de départ à la retraite à 62 ans..
Ce sont ainsi près de 125 870 professionnel(le)s qu’il faudra remplacer pour maintenir une capacité d’accueil individuel des jeunes enfants identique à celle d’aujourd’hui. Pour la majorité des territoires, ce sont plus de quatre assistant(e)s maternel(les) sur dix qui sont concerné(e)s par ces départs.
Au total, pour compenser les départs à la retraite des assistant(e)s maternel(le)s et des gardes d’enfants à domicile, et maintenir une capacité d’accueil individuel des jeunes enfants identique à celle d’aujourd’hui, l’embauche de 156 000 professionnel(le)s est à prévoir à l’horizon 2030.
Isabelle Puech
Stéphanie Queval
- 1Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des Solidarités et de la Santé.
- 2P. Virot, « Grandir dans un territoire rural : quelles différences de conditions de vie par rapport aux espaces urbains ? », Études & résultats, n° 1189, Drees, mars 2021. Enquête Modes de garde et d’accueil des jeunes enfants réalisée par la Drees en 2013.
- 3Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion.
- 4M. Niang, T. Vroylandt, « Les tensions sur le marché du travail en 2019 », Dares résultats, n° 32, octobre 2020.
- 5Les assistant(e)s maternel(le)s en sous-activité travaillent moins d’heures ou accueillent moins d’enfants que ce que leur agrément leur permettrait de faire.
- 6N. Bardaille, E. Bouvier, « Mesure et facteurs explicatifs des difficultés d’emploi des assistantes maternelles agréées ? Une enquête menée dans le département du Nord », Politiques sociales et familiales, n° 109, Cnaf, septembre 2012.
- 7M. Niang, T. Vroylandt, « Les tensions sur le marché du travail en 2019 », Dares résultats, n° 32, octobre 2020.
- 8P. Pora, « Accroître l’offre de places en crèche : peu d’effet sur l’emploi, une baisse du recours aux autres modes de garde », Insee Analyses, n° 55, septembre 2020. Les communes où les augmentations annuelles des places en Eaje ont été les plus importantes entre 2007 et 2015 ont entraîné, quatre ans après, une diminution de l’activité déclarée de 13 % de l’accueil individuel.
- 9Onape, L’Accueil du jeune enfant en 2020. Édition 2021, Cnaf, 152 p.
- 10Ibid.
- 11V. Lagandré, F. Petit, I. Puech, S. Queval, « Les premiers effets de la crise sanitaire sur l’emploi à domicile », Baromètre des emplois de la famille, n°34, Observatoire des emplois de la famille, décembre 2020.
- 12V. Lagandré, F. Petit, I. Puech, « L’emploi à domicile résiste à la crise sanitaire au second semestre 2020 », Baromètre des emplois de la famille, n°35, Observatoire des emplois de la famille, mars 2021.
- 13V. Lagandré, I. Puech, « Les besoins en emplois et en compétences dans le secteur de l’emploi à domicile à l’horizon 2030 », Baromètre des emplois de la famille, n°36, Observatoire des emplois de la famille, juin 2021.
- 14Avec une hypothèse d’âge légal de départ à la retraite à 62 ans.